On a discuté avec Carlo Pinsoglio, le gardien de but le plus heureux du monde

On a discuté avec Carlo Pinsoglio, le gardien de but le plus heureux du monde

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© REUTERS/Jennifer Lorenzini

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Par Robin Panfili

Publié le , modifié le

Le troisième gardien de la Juventus vit un rêve éveillé, même depuis le banc de touche.

Le poste de troisième gardien au football est probablement l’un des plus grands mystères de l’histoire des sports collectifs. Et pour cause, comment peut-il bien être possible et imaginable que, dans un sport aussi compétitif et concurrentiel que le football, un joueur puisse accepter de se contenter d’aussi peu de temps de jeu dans une si courte carrière ?

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Dans la littérature sportive, rares sont les auteurs et ouvrages à s’être penchés sur ce rôle pas comme les autres, fait d’abnégation, d’altruisme et d’importants sacrifices. Pour tenter de démêler cette énigme, nous avons donc décidé d’aller interroger l’un des troisièmes gardiens au parcours le plus éloquent dans l’histoire du football moderne, Carlo Pinsoglio, 31 ans, nouveau meilleur ami de Cristiano Ronaldo et goal de l’ombre derrière Wojciech Szczęsny et Gianluigi Buffon à la Juventus.

Rêve de gosse

Carlo Pinsoglio a commencé à jouer à la Juventus jeune, très jeune, et il n’en est jamais reparti. Et c’est sans doute l’une des principales explications de la fidélité sans faille qu’il accorde à ce club. “Je suis évidemment très fier d’appartenir à un club aussi prestigieux que la Juventus. Mais c’est aussi dû au fait que j’y évolue depuis l’âge de 10 ans, nous confie-t-il. Et puis, pour un footballeur, c’est toujours une grande chance de grandir et de faire partie d’un club que l’on supporte depuis gamin.”

© Reuters/Jennifer Lorenzini

Outre quelques aventures en prêt du côté de Livourne, Modène ou Vincenza, Carlo Pinsoglio n’est jamais parti bien loin de son club de cœur :

“La Juventus représente pour moi une grande famille qui m’a formé à la fois en tant que joueur et en tant qu’homme. Cela ne peut donc que représenter une partie importante, et même très importante, de ma vie. C’est le rêve de tout enfant de faire partie d’un grand club comme la Juventus, à la fois pour ce qu’il représente en Italie, en Europe, et dans le monde. C’est la raison pour laquelle je me sens honoré et privilégié d’appartenir à cette équipe.”

Une vie de sacrifices

Mais offrir son cœur à un club que l’on supporte depuis toujours est une chose, lui consacrer sa carrière sportive sans jouer régulièrement en est autre. Dès lors, comment équilibrer la passion avec la raison ? À cette question, Carlo Pinsoglio n’hésite pas une seconde. “Évidemment, ne pas jouer régulièrement est très dur, reconnaît-il. Mais, pour autant, j’ai la sensation de faire partie intégrante de tous les succès et de toutes les défaites du club, car je m’implique et je supporte le vestiaire et mes coéquipiers à 100 %. Même quand je ne joue pas, j’essaie toujours d’apporter le maximum de soutien et de motivation à mes coéquipiers.” Un investissement de l’ombre avec lequel il aime plaisanter, notamment sur les réseaux sociaux.

Lui qui aurait pu décider de prendre son envol pour jouer ailleurs en Serie A ou à l’étranger n’a finalement jamais souhaité quitter définitivement la Juventus. “Parce qu’à la Juventus, je me sens chez moi, résume-t-il. Cela m’a permis de m’améliorer mentalement, physiquement et qualitativement. Je m’entraîne tous les jours auprès de grands champions et notre entraîneur des gardiens m’encourage à toujours donner le meilleur de moi-même, à chaque occasion.”

“Évidemment, jouer me manque beaucoup, mais je fais toujours partie de l’une des meilleures équipes du monde, donc je me sens motivé, satisfait et fier d’en faire partie.”

Aujourd’hui, Carlo Pinsoglio compte plus de trophées sans jouer que d’innombrables autres joueurs professionnels titulaires, ce qui n’est pas habituel. Un palmarès incongru qui le rend fier, comme en témoignent sa passion et les larges sourires et l’enthousiasme qu’il affiche, à chaque rencontre, depuis le banc de touche. “J’estime que tous ces trophées m’appartiennent entièrement et, ce, même si je n’ai joué que quelques matches. L’engagement, le cœur et la foi que j’exprime chaque jour pour mes coéquipiers et la Juventus démontrent je fais partie intégrante de cette équipe.”

“Je vis à chaque fois les 90 minutes avec intensité, colère, détermination et courage, comme si j’étais sur le terrain avec eux. J’essaye toujours d’apporter mon soutien à l’équipe, à chaque occasion.”

© Juventus

Contrairement à ce que l’on pourrait parfois s’imaginer, le quotidien d’un troisième gardien n’est vraiment pas de tout repos, notamment à la Juventus où l’on se frotte à des coéquipiers tels que Wojciech Szczęsny ou Gianluigi Buffon. “La relation entre nous, gardiens de but, est unique, lance-t-il. La chance que j’ai est de pouvoir apprendre quelque chose de nouveau chaque jour de la part de deux gardiens de but qui ont une expérience incroyable derrière eux, en particulier Gigi, qui a notamment remporté la Coupe du monde.”

Une bromance avec Ronaldo

Depuis quelques années désormais, un autre élément est venu chambouler son quotidien : l’arrivée de Cristiano Ronaldo, avec toute la légende, l’aura et la pression qui l’accompagnent. À Turin, les deux hommes sont rapidement devenus complices. À plusieurs reprises, on a pu voir Cristiano Ronaldo courir vers Carlo Pinsoglio pour l’enlacer, avant même de célébrer ses buts avec le reste du banc de touche, laissant incrédules des téléspectateurs curieux d’une telle proximité.

© Marco Bertorello/AFP

Dès ses premières semaines à la Juventus, Cristiano Ronaldo lui a même attribué un petit surnom affectif : Uncle Pig. Mais leur relation privilégiée s’explique surtout par les entraînements individuels que s’inflige Cristiano Ronaldo au quotidien. Car, le plus souvent, c’est Carlo Pinsoglio qui est sollicité pour endurer les frappes, coups francs et pénalties, alors que les autres joueurs sont déjà retournés au vestiaire après l’entraînement collectif. “C’est fantastique de vivre tout ça, lâche-t-il. C’est véritablement excitant et stimulant de pouvoir s’entraîner avec lui.”

“Cristiano, en dehors du terrain, est un gars simple avec qui tu peux parler d’absolument tout. Il est une personne avec qui il est très agréable de passer du temps, même en dehors du monde du football.”

Si l’on sait peu de choses de leurs séances d’entraînement individuelles, Carlo Pinsoglio reconnaît volontiers qu’il n’est pas toujours aisé d’affronter un joueur d’un tel rang. “Clairement, on parle du meilleur joueur du monde… Même si, tout de même, j’ai réussi à lui arrêter plusieurs coups francs et penalties. Suuuuuuuu ! [Rires.]”

S’il n’est peut-être pas l’élément le plus décisif de l’effectif de la Juventus, Carlo Pinsoglio est probablement l’un des joueurs que les supporters et ses coéquipiers portent le plus dans leur cœur. À l’image de joueurs comme Claudio Marchisio ou Alessandro Del Piero par le passé, son statut de “bandiera” lui vaut aujourd’hui, à Turin, une reconnaissance absolue. De là à en faire le joueur le plus heureux du monde ? “Je suis un joueur, mais aussi un homme, donc il y a sûrement des hauts et des bas dans ma vie. J’ai juste la chance de faire le travail que j’ai toujours rêvé de faire !”