La culture Ultra se dévoile dans la websérie Tribunes libres

La culture Ultra se dévoile dans la websérie Tribunes libres

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Par Louise Leboyer

Publié le

De Liverpool à Marseille, la série propose une immersion en sept épisodes dans le monde si particulier des Ultras.

“Une passion excessive, elle a des bons côtés, mais, fatalement, elle a des mauvais côtés.” C’est de cette manière que l’un des Ultras de Bordeaux résume la passion qui anime ces groupes de supporters. Dans Tribunes libres, quatre réalisateurs et une réalisatrice nous immergent dans cette culture souvent pointée du doigt. En sept épisodes, cette série Arte et France Télévisions va à la rencontre des Ultras de Bordeaux, Liverpool, Marseille, Saint-Étienne, Lens, Lyon et Donetsk.
“Quand t’arrives au premier abord à dire ‘ouais je suis Ultra’, les gens te regardent comme si t’étais un type assoiffé de bière et de haine. Nous, on est là pour supporter notre club, peut-être de manière exacerbée…”, clame l’un des Ultras bordelais dans le premier épisode de la série. Un épisode qui s’attache à aborder la question des Kops sur fond de législation. Interdictions de stade, de déplacements pour les supporters jugés les plus virulents, les Bordelais l’affirment : “On se sert des Ultras comme d’un terrain d’expérimentation répressive.”
En janvier 2019, Édouard Philippe avait déclaré au sujet de la loi anti-casseurs, pour faire face au mouvement des gilets jaunes, s’inspirer des règles en vigueur pour les supporters. “Faire évoluer le droit” pour appliquer aux manifestants des lois sans cesse dénoncées par les Ultras. Un dispositif qui avait été jugé nécessaire face aux débordements de violence occasionnés pour certains matches. De Bordeaux à Donetsk, l’histoire des Ultras de chaque club est omniprésente et revendiquée par chaque supporter.

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L’héritage italien des Ultras marseillais

“Les supporters ordinaires agitent leur drapeau, les Ultras galvanisent le stade tout entier par leurs chants”, explique Pauline Horovitz, réalisatrice de l’épisode sur Marseille. Ultra, Winners, Yankee ou Fanatics, le stade Vélodrome a vu grandir un certain nombre de fervents supporters de l’OM depuis 1984. “Faire le match au lieu de simplement le regarder”, un mouvement largement inspiré des “tifosi” italiens. “Je vais vous dire la vérité, on a un peu copié sur les Italiens, mais on a créé des chansons à nous quand même”, confie “Manitou” des Fanatics.
Le culte de l’Olympique de Marseille n’a cessé de croître depuis. “À Marseille, le 26 mai 1993 est une date aussi importante que la fête nationale ou l’armistice”, illustre Pauline Horovitz. Cette date, c’est le jour de la victoire de Marseille en Ligue des Champions. “À jamais les premiers”, comme ils aiment le rappeler. Ce culte a pourtant causé du tort aux supporters. Les interdictions ont changé la face du stade Vélodrome, comme le regrette Cécile, membre du MTP (Marseille Trop Puissant) :

“Tu es dans le stade donc tu supportes ton équipe, tu chantes et tout pour encourager. Mais après, c’est vrai que tu insultes les supporters adverses et les supporters adverses t’insultent, il y a du truc. C’est pour ça que, maintenant, ils ont tous interdit les déplacements, il y en a plus… Même si on les déteste les Parisiens, ils nous manquent au Vélodrome, les Parisiens ! Ils sont là mais au moins ils répondent comme nous quand on va à Paris.”

Des mesures qui ne concernent pas seulement les clubs français. De l’autre côté de la Manche, la culture Ultra a des airs de religion.

Des chants emblématiques au devoir de mémoire des Ultras de Liverpool


“J’aime croire qu’à part ma copine et ma famille, ma dernière pensée sera pour les tribunes et tout ce que j’y ai vécu. Toutes ces choses extraordinaires que j’ai vécues au club seront dans mes dernières pensées.” Même dans ses derniers instants, Jamie Webster pensera à Liverpool. Il est un chanteur pas comme les autres. Il ne chante que les hymnes du club. Des chants tels que “You’ll Never Walk Alone”, entonné comme un hommage aux victimes du drame d’Hillsborough qui a marqué Liverpool.
Peter Hooton se souvient d’une “ambiance fantastique” dans les années 1970-1980. “Tout le monde se tenait debout dans les tribunes, on était une communauté. Les gens se balançaient et chantaient ensemble.” Mais le 15 avril 1989, au stade d’Hillsborough à Sheffield, alors que s’affrontent Liverpool et Nottingham Forest, un mouvement de foule va mener à la catastrophe. Un ensemble de décisions policières, pour faire face au trop grand nombre de supporters voulant assister au match, va créer une pression trop forte dans les tribunes. Bilan : 96 personnes perdront la vie.
Le rapport Taylor, ordonné par Margaret Thatcher à la suite de l’incident, ordonnera la mise en place dans les stades de places assises. Interdisant toute tribune debout. En conséquence, le prix des places augmentera et “le profil sociologique des supporters” changera au fil des années. Pour des raisons économiques, la classe la plus populaire préfère désormais les pubs aux stades pour se retrouver pendant les matches.
Tribunes libres permet une plongée dans l’histoire et l’héritage laissés par les premiers Ultras. Des retombées sociales de décisions politiques jusqu’à l’ambiance actuelle au sein des Kops. Ces sept épisodes immergent dans des milieux qu’on attache souvent à des mouvements violents, racistes ou homophobes, pour en comprendre la genèse.