Entretien avec Babacar, qui nous raconte sa marche des champions de 443 km avec Yanisport

Entretien avec Babacar, qui nous raconte sa marche des champions de 443 km avec Yanisport

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© Instagram Yanisport

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Par Lucie Bacon

Publié le

"J'ai pleuré en rencontrant certaines personnes, tu ne peux pas être insensible."

Marcher 443 kilomètres entre Lyon et Paris, sans eau, sans logement, sans transport, sans nourriture et sans téléphone (ou presque), en ne comptant uniquement sur la générosité des gens croisés sur la route, attirés par ce défi hors du commun. C’est ce qu’a fait Babacar et la petite troupe du coach Yanisport, pendant 12 jours. Il nous raconte les dessous de cette aventure sportive, mais avant tout humaine.
Konbini Sports ⎮Comment t’es-tu retrouvé à faire ce défi ?
Babacar | Je suivais Yanis sur les réseaux et il a proposé à des gens de faire cette seconde édition de la marche des champions. J’ai commenté son post puis il m’a envoyé un message pour me demander si j’étais chaud. Je ne te cache pas que sur le coup, j’ai bégayé : je fais du sport mais faire 440 kilomètres, je savais que ça serait compliqué. Surtout qu’au départ, ça devait être en mars, il devait faire archi froid. Mais je me suis dit “allez, on arrête de faire la victime et on tente”. Entre-temps malheureusement, le Covid est arrivé, mais heureusement d’un autre côté pour moi, car j’évitais le froid et c’est ça qui me faisait le plus peur. Finalement, Yanis a annoncé la 2e date, le 21 juin, et j’étais content car la canicule ne me dérangeait pas !


Concrètement, comment ça s’est passé, ce challenge ?
On a donc fait 443 km à pied, en partant de la place Bellecour à Lyon, dans des conditions minimales : pas d’eau, pas de nourriture, pas d’auto-stop, pas de douches, pas de logements. Il y a des gens qui dorment dehors tous les jours, on s’est mis dans des conditions similaires, ça fait beaucoup réfléchir de vivre ça sur un temps.
Et qu’est-ce qui a été le plus dur pour toi ?
Concrètement, ça a été de ne pas prendre de douche. Tu te laves à la lingette pendant 12 jours, c’est compliqué. Mais ça te permet de relativiser, car tu sais que chez toi, tu es dans un confort extrême. Là, c’était juste pendant 12 jours, d’autres vivent ça des mois.
Le fait de pas avoir son téléphone aussi. Moi qui suis accro à Twitter, ne pas avoir les infos en temps et en heure ça a été compliqué. J’ai appris le titre de Liverpool 4 heures après [et il est fan de Liverpool, ndlr].
Vous avez eu faim ?
Clairement. Quand tu commences par Lyon, tu te dis que ça va aller, et en fait pas du tout. On n’a été ravitaillés qu’une fois dans Lyon, avec du Tropico et de l’eau. Jusqu’à Villefranche-sur-Saône, on a eu des fruits mais sans plus, après on a demandé à un grec de nous aider. Dans la Nièvre, il y avait beaucoup de cols, on souffrait. On s’est arrêtés dans une maison, une dame de 86 ans nous a ouvert, on lui a demandé de l’eau. On était 5, elle aurait pu prendre peur mais en fait elle nous a accueillis à bras ouverts. On a beaucoup parlé avec elle, elle était vraiment toute seule, ses petits-enfants ne vivent pas avec elle, ça faisait chaud au cœur d’être là pour elle. Et surtout, elle a été là aussi pour nous en nous donnant de l’eau ! 

J’imagine que vous avez dû faire plein de rencontres ?
Oui, je n’ai pas parlé de l’essentiel, mais c’est ça. On a eu pas mal de visites et de ravitaillements de la part de la communauté de Yanis, et sans eux, on était clairement foutus et on aurait pu mourir de faim. Ils venaient pour nous donner des vivres ou pour se faire dédicacer leur livre. Ça prouve que le monde est toujours bon, surtout dans une période compliquée, il y a eu le Covid, les mouvements sociaux… Apparemment, on a aussi donné de la force aux gens dans leurs projets. Et on se souvient des noms de tous les gens qui sont venus nous voir.
Marcher de Lyon à Paris, je ne l’aurais jamais fait tout seul, je ne l’aurais pas fait si ça ne permettait pas de parler à des gens de ce qu’il se passe dans la vie. Le côté sportif, c’est top, mais le côté humain, les gens qui parlent avec toi, ça te permet de relativiser. Tu te dis que tu n’as pas tant de problèmes que ça, il y a des gens qui n’ont pas grand-chose, toi tu as un toit, un travail… Je ne te cache pas que j’ai grave pleuré en rencontrant certaines personnes, tu ne peux pas être insensible… J’ai pleuré comme une victime !
Raconte-nous la fin, avec l’arrivée à Paris ?
On est parti de Lieusaint dans le 77 à 6 h 30 du matin. On est arrivés à 18 heures, on a envoyé, on marchait à fond. C’était incroyable d’arriver à Paris, on ne savait pas ce qui allait nous arriver. On se doutait qu’il y aurait pas mal de monde sur place mais on ne savait pas l’étendue de la situation. En bas du Trocadéro, il y avait beaucoup de monde, plein de photographes, on se demandait qui on était en fait ! Et là, quand on est arrivés, on voit tout le monde, c’était n’importe quoi ! Il y avait des gens d’Orléans, de Nantes…
Du coup, tu as repleuré ?
Nan, j’ai pas pleuré ! Mais j’ai vu ma nièce, mes sœurs, des potes… J’étais super content !
Tu serais prêt à le refaire ?
Demain, non, car physiquement c’est très dur. Là j’ai mal partout, j’ai rendez-vous chez le podologue, chez l’ostéo… Mais c’est une aventure humaine qui m’a changé à vie. L’année prochaine, je le referai avec grand plaisir. Et si je ne le fais pas, je serais le premier à ravitailler l’équipe. On est devenu une famille ! On se parle tous les jours depuis la fin, on a construit des liens impossibles à briser. On a déjà prévu d’aller revoir des gens qui nous ont ravitaillés, ça sera une surprise pour eux, ils ne le savent pas encore !

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