Pourquoi le Musée du sexe new-yorkais est dans de beaux draps ?

Pourquoi le Musée du sexe new-yorkais est dans de beaux draps ?

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Via Julia Sinelnikova

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Par Lise Lanot

Publié le , modifié le

David et Goliath à New York, dans le Musée du sexe.

Quelle ne fut pas la surprise de Julia Sinelnikova en recevant les messages de proches et de followers s’étant retrouvé·e·s nez à nez avec des images d’iel placardées dans les métros de la Grosse Pomme dans le cadre d’une campagne mettant en avant le Museum of Sex (MoSex) de New York. Les photos et vidéos en question montraient l’artiste en train d’embrasser la personne avec qui iel était en couple à l’époque dans une ambiance de fête foraine baignée de néons roses.

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Julia Sinelnikova a vite reconnu la scène : il s’agissait d’un événement organisé le 27 septembre 2019 par le Museum of Sex, avant l’ouverture de l’exposition “Superfunland: Journey Into the Erotic Carnival”. L’artiste s’y était rendu·e avec sa partenaire qui travaillait à l’accueil du musée et avait posé face à certains des fonds colorés qui retraçaient l’histoire des carnavals érotiques dans le monde, rapporte Hyperallergic. À l’ouverture de l’exposition, quelques jours plus tard, surprise, le Museum of Sex affichait les images de Julia Sinelnikova et sa compagne dans le métro, sans leur accord ni même leur en avoir parlé. Un mois plus tard, en novembre, l’établissement avait envoyé une autorisation de droit d’image à l’artiste, qu’iel n’avait pas signée.

“La campagne a été exposée, sans que je sois payé·e, de 2019 à 2020. Je pensais que c’était pour un usage temporaire seulement”, écrit l’artiste sur Instagram. Pendant cinq ans, le musée a utilisé les images en question pour illustrer un des onglets de son site web, nous écrit Julia Sinelnikova. “Mon visage s’est retrouvé en vidéo principale et image de bannière de leur page dédiée à la billetterie. […] Je n’ai jamais autorisé personne à utiliser mon image, on n’a même jamais eu cette discussion. Personne n’accepterait tout cela pour zéro dollar.” Le MoSex ne semble pas s’être ému du fait qu’il n’avait jamais reçu d’autorisation à diffuser l’image de l’artiste puisqu’il l’a réutilisée en 2023, pour promouvoir, cette fois-ci, sa collection permanente.

“Ils nous ont posté·e·s sur leurs réseaux sociaux et ont gagné quasiment un million de vues en 2021 et 2023, nous ont affiché·e·s sur leur façade new-yorkaise en 2024 et ont publié un millier d’affiches de nous dans le métro en décembre 2023 – j’ai appelé le réseau de transport new-yorkais pour confirmer les chiffres”, nous indique l’artiste. “C’est une violation. Ça donne l’impression que je suis associée au Museum of Sex et cela entache mon image. Ça n’aide pas ma position dans le monde de l’art”, a réagi Julia Sinelnikova auprès d’Hyperallergic.

L’image utilisée par le Museum of Sex, visible dans le métro new-yorkais. (Via Julia Sinelnikova)

Sur son compte Instagram, l’artiste fustige le profit que se fait le musée sur son image, son travail artistique et, in fine, sur ce qu’iel représente, rappelant que “les tickets d’entrée pour le MoSex coûtent entre 36 et 48 dollars”. Au-delà de cette histoire en particulier, c’est le pouvoir qu’ont les institutions et les artistes déjà en place sur les modèles et les artistes indépendant·e·s qui est ici dénoncé. Face à ces machines bien huilées, artistes et modèles peinent souvent à faire entendre leurs voix et leurs droits – en témoigne la façon dont Emily Ratajkowski dénonçait la “confiscation” de son image par un célèbre photographe. Le MoSex a refusé les 25 000 dollars demandés par Julia Sinelnikova, lui proposant “moins de 2 000 dollars” en contrepartie et s’excusant à l’écrit pour “l’usage non autorisé de son image”. La somme est jugée insuffisante par l’artiste, qui souligne qu’elle n’est pas du tout alignée avec les tarifs de mannequinat en vigueur ou le coût de la vie à New York, “où les loyers des appartements les moins chers sont entre 2 500 et 5 000 dollars le mois”.

Face au refus de Julia Sinelnikova d’accepter les 2 000 dollars, le musée l’a menacé·e de l’emmener au tribunal pour “propos diffamatoires”. L’artiste a porté plainte à Brooklyn le 4 février dernier, demandant au musée 25 000 dollars de dommages-intérêts compensatoires, 250 000 dollars de dommages-intérêts exemplaires et l’interdiction de “présenter, diffuser, utiliser” son image, peut-on lire dans la copie de la plainte que nous a envoyée l’artiste. En attendant une réponse judiciaire, Julia poursuit son travail artistique, de la musique aux hologrammes en passant par la sculpture, les performances et les installations lumineuses. Son installation Light Portal est visible au Queens Flushing Meadows Corona Park jusqu’au mois de novembre 2024.

Light Portal. (© Julia Sinelnikova)

Vous pouvez retrouver le travail de Julia Sinelnikova sur son site et sur son compte Instagram.