On a discuté avec Marina Correia, la championne qui danse sur son longboard

On a discuté avec Marina Correia, la championne qui danse sur son longboard

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© Ruben Chiajese

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Par Lucie Bacon

Publié le

"J’ai accompli quelque chose dans un milieu où les femmes noires ne sont pas représentées."

Vous avez peut-être déjà vu passer ses vidéos inspirantes et surtout impressionnantes sur Instagram. À 23 ans, Marina Correia, niçoise d’origine cap-verdienne, est devenue championne du monde de longboard dancing. Elle nous a raconté ce que cette distinction représente pour elle, et comment maintenant elle imagine son avenir, entre les bancs de la fac et les allers-retours sur la Prom’, avec toujours un message d’espoir pour la jeunesse. 

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Konbini Sports ⎪ Tu es devenue championne du monde de longboard dancing le week-end dernier. Alors, comment te sens-tu ? 
Marina Correia ⎪ Franchement, je ne comprends pas vraiment ce qui m’arrive… Mais ça fait du bien, je suis contente, car d’un côté j’accomplis quelque chose, je suis aussi devenue un exemple pour plein de petites filles.
Il y a des petites filles qui t’admirent ? 
Oui, il y en a qui me demandent des cours, d’autres qui me disent qu’elles veulent être comme moi, qu’elles veulent acheter un skate. Il y a une petite Russe qui vient tous les ans à Nice, à chaque fois elle me ramène un petit cadeau et, dans sa chambre, il y a des photos de moi aux murs. Il y a aussi une petite Américaine qui regarde avec son papa toutes les vidéos que je fais en direct sur Instagram. C’est vraiment incroyable.
Peux-tu nous expliquer ce qu’est le longboard dancing ? 
Selon moi, c’est un mélange de skate et de surf. Un enchaînement de pas de danse sur une planche, c’est un peu le même esprit que le skate, car on doit faire des figures, mais ce n’est pas la même technique. 
Comment as-tu découvert cette discipline ?
Je suis arrivée à Nice à 14 ans, en 2012, après avoir grandi au Cap-Vert. À la fin de ma troisième, j’avais deux amies qui faisaient du longboard, elles roulaient juste. Moi ça m’intriguait et j’ai demandé à mon beau-père de m’acheter une petite board, mais on me l’a cassée. Un ami qui avait un longboard me l’a prêté, et au final je l’ai gardé. Je me suis mise à faire des allers-retours tous les jours sur la Promenade des Anglais, et à aller très souvent à un shop spécialisé à Nice, Quai 34. Un jour, Max, qui y travaillait, m’a expliqué qu’une marque de longboard, Sector 9, venait à Nice pour présenter la nouvelle collection. J’y suis allée et j’étais à fond, je les ai tous essayés. Puis Ric, qui travaillait pour Sector 9, m’en a offert un et on m’a expliqué, qu’en échange, je devais faire des photos et des vidéos pour la marque. Sector 9 a été mon sponsor pendant quatre ans, maintenant je suis avec une marque coréenne, 1Love Sk8. 

À quoi ressemble tes journées ? Tu t’entraînes beaucoup ? 
Je suis à la fac de lettres, mais dès que j’ai du temps je vais skater. Je ne me déplace jamais sans ma board, même pour acheter une baguette. L’été, je pratique de 19 heures jusqu’à parfois 1 heure du mat’.
C’était ta première compétition ce championnat du monde de longboard dancing ? 
Je n’aime pas trop la compétition, honnêtement. J’avais participé à une compétition nationale à Paris en 2019, et là c’était la deuxième fois. 

Comment s’est déroulée cette compétition ? 
Elle devait se dérouler aux Pays-Bas, mais en avril dernier, ils ont annoncé qu’ils allaient procéder autrement, en ligne. On a donc dû envoyer une vidéo d’une minute, sans montage. Ils ont sélectionné les six meilleures pour la finale, il y avait une Brésilienne, deux Russes, une Taïwanaise et une Polonaise. J’ai donc terminé première, et le jury m’a même demandé si j’avais accéléré ma vidéo. Mais non, je skate juste vite (rires)

“On m’a déjà dit que c’était un sport de blancs”

Tu as tweeté que tu étais devenue la première femme noire à devenir championne du monde de longboard dancing, c’est une double fierté pour toi ? 
J’ai précisé “noire” dans mon message, car je voulais montrer que j’avais accompli quelque chose dans un milieu où les femmes noires ne sont pas représentées et pour dire aux petites filles qui veulent s’identifier à moi qu’elles peuvent le faire aussi !  Il y a beaucoup de polémiques aujourd’hui, par exemple les cheveux crépus qui peuvent être un handicap dans la société. Maintenant, je me dis que ces filles qui me regardent, quand elles vont grandir, elles ne vont pas se dire qu’il n’y que la danse ou la musique, elles savent qu’elles peuvent aussi faire du skate.
Quand j’étais petite, il n’y avait pas de skateuse noire à la télé. Il y a longtemps eu ce cliché californien de la blonde blanche sur une planche. Je ne suis ni blanche ni blonde. Et on m’a déjà dit que c’était un “sport de blancs” ou un sport de garçons, comme le cliché des pubs où les skaters sont des garçons avec une mèche.
Comment vois-tu ton avenir à présent ? 
Mon avenir s’annonce merveilleux. J’ai reçu plein de propositions, mais je ne veux pas en parler encore pour ne pas me porter l’œil ! Il y a aussi beaucoup de monde qui s’intéresse maintenant au longboard, c’est super. J’ai reçu beaucoup de messages, comme cette femme qui m’a dit que grâce à moi, elle se sentait en confiance, d’autres me remercient d’être un exemple, une inspiration. J’espère que je rencontrerai beaucoup de succès, après je reste moi-même, je vais continuer à aller en cours !