Un retour du foot en clair, est-ce vraiment impossible ?

Un retour du foot en clair, est-ce vraiment impossible ?

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French sports journalists Didier Roustan and Thierry Roland on the set of program Multi foot on TF1. (Photo by Jerome Prebois/Kipa/Sygma via Getty Images)

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Par Tidiany M'Bo

Publié le

Fragilisé par Mediapro, acculé par Canal+, le football français peut-il repenser son modèle de diffusion pour mieux se relancer ?

C’est un souvenir qui suscite la nostalgie. Celui de Roger Zabel, Thierry Gilardi et d’autres voix identifiables entre mille, accompagnant les spectateurs de tous les âges lors des soirées Ligue des champions sur TF1, le mardi ou le mercredi. Un temps où le digital et les réseaux sociaux n’avaient pas encore apporté leur lot de bouleversements. Une époque où l’accès au football par la télévision gratuite permettait encore de réunir la famille ou les amis devant le grand match de Coupe d’Europe.


Le foot en clair a-t-il définitivement vécu ? En tout cas, il a rarement paru si proche de s’éteindre. On comptait 22 chaînes payantes diffusant du sport en 2016, contre trois en 1995, selon différents rapports du CSA. Avec la suspension de la Coupe de la Ligue à l’été 2020, la ration de football garantie au grand public continue de fondre comme neige au soleil : des matches de Coupe de France au compte-gouttes, l’intégralité des rencontres de l’équipe de France et quelques rencontres internationales, ainsi que les finales de Coupe d’Europe, dont la diffusion en clair est imposée par un décret. Pour le reste (Ligue des Nations, Ligue Europa), c’est une gestion en flux tendu.

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Très chers droits TV

Faut-il en déduire que le football ne fait plus suffisamment recette, du moins pour ceux qui payent (très) cher pour en acquérir les droits ? Chez les diffuseurs, il est évident que la question se pose au vu de l’inflation subie par le produit Ligue 1, passé de 375 millions d’euros par saison en 2005, à plus d’un milliard (finalement théorique) en 2020. Des valeurs prohibitives qui ont dissuadé les chaînes en clair de venir se mêler au jeu de la surenchère.


“N’oublions pas que c’est un cadre européen qui contraint à commercialiser les lots au sein d’une mise en concurrence non discriminatoire : c’est le fameux appel d’offres, souligne Cédric Roussel, député LREM et président du groupe Économie du sport. Je considère que cette politique de mise en concurrence est loin d’avoir produit ses effets, poursuit-il. Son ambition initiale portait sur les bénéfices des consommateurs. In fine, on le voit bien, elle favorise les enchères sur les droits TV, mais ne permet pas de faire baisser le coût cumulé des abonnements. Ce sont les abonnés qui supportent l’inflation.”
La fermeture prématurée de Téléfoot la chaîne ou le retrait progressif d’Altice rappellent par ailleurs que, s’agissant de la Ligue 1 comme de la Coupe d’Europe, l’acquisition de droits sportifs au prix fort est loin de s’imposer comme un pari gagnant pour les acquéreurs. Un argument frein qui s’ajoute à l’érosion globale des audiences, autant sur le clair que sur le crypté, et à un contexte économique pas franchement incitatif.

Une brèche à exploiter ?

L’arrivée de la TNT a permis au public d’hériter de quelques bonus non négligeables. Elle renseigne aussi sur le mode opératoire des chaînes, désormais plus disposées à s’offrir quelques “coups” ponctuels qu’à s’investir dans la durée. Ça a été le cas pour TMC, TFX (via TF1), W9 (via M6), RMC Story ou la chaîne L’Équipe, pour qui le produit premium et vecteur d’audience (Ligue 1 et Ligue des champions) demeure toutefois hors d’atteinte.
Hors d’atteinte, mais pas forcément hors d’intérêt. La menace d’écran noir sur le classique OM-PSG le 7 février dernier, suite aux atermoiements entre Mediapro et la LFP, avait en effet poussé France TV, M6 ou encore TF1 à sortir du bois et à se positionner sur la diffusion du match. Canal+ avait fini par rafler la mise, puis l’intégralité de la fin de saison de L1 quelques jours plus tard dans une négociation avec la LFP. Mais pour la Ligue, n’y aurait-il pas matière à considérer concrètement ce qui pouvait s’apparenter à une simple prise de température des acteurs en clair, au moment où le radeau tanguait ?
Pour Cédric Roussel, des leviers existent pour faire évoluer le modèle établi :

“Une première façon de faire consisterait à élargir le décret fixant les événements sportifs définis comme ‘d’importance majeure’ à des matches de football de notre championnat de L1/L2 devant être accessibles à tous les téléspectateurs. Une autre façon pourrait être de structurer un lot de l’appel d’offres, de manière à le rendre économiquement attractif pour les chaînes en clair gratuites, publiques ou privées. Une autre idée serait de confier un lot, en dehors de toute commercialisation, à des chaînes publiques : un match de L1 par semaine par exemple. Pour cela, il faudrait revenir sur nos règles françaises et européennes du droit de la concurrence.”

Dans un calcul qui ne peut plus être seulement économique, le foot professionnel français aurait, assurément, de quoi y gagner. Des rentrées moindres ? Probablement. Mais des partenaires fiables, solvables. Un moyen d’agir sur l’explosion du streaming illégal et les pertes qu’il engendre pour le secteur. Mais aussi et surtout l’opportunité de raviver l’attrait du foot pour les nombreux qui s’en sentent de plus en plus éloignés. Tout ceci en ne perdant pas de vue que, bien souvent, le passionné d’aujourd’hui s’avère être le client de demain.