Entretien avec Yoann Riou, le journaliste le plus fou et le plus passionné de la sphère foot

Entretien avec Yoann Riou, le journaliste le plus fou et le plus passionné de la sphère foot

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Par Lucie Bacon

Publié le

Alors que son commentaire du but de Moussa Dembélé lors de la demi-finale de la Coupe de la Ligue écossaise a fait le tour du web, Yoann Riou a accepté de nous raconter sa vie, son amour et sa passion. Une rencontre inspirante et inspirée.
Vous avez sûrement déjà aperçu Yoann Riou dans votre télévision. Toujours entouré d’une centaine de notes, ce journaliste de L’Équipe de 38 ans paraît complètement hors de lui à chaque intervention. Et pour cause : c’est un véritable passionné, animé sans cesse par l’amour du football.
Yoann Riou est pourtant timide, et c’est avec quelques hésitations dans la voix qu’il a commencé à répondre à nos questions. Au fil des minutes, les histoires et les anecdotes fusent. Et un leitmotiv, toujours : l’amour. Cet entretien est long, mais on pense qu’il en vaut la peine. Et surtout, il donne irrémédiablement envie de prendre un billet pour aller voir un match à St James’ Park.


Football Stories | Raconte-nous ce qui t’a traversé l’esprit au moment où tu as annoncé le but de Dembélé, à la 87e minute, lors de la demi-finale de Coupe de la Ligue écossaise entre le Celtic FC et le Rangers FC.
Yoann Riou | Ce sont 38 ans de ma vie qui ont accouché de ce moment-là. 38 ans de passion, d’amour du foot. Pour moi, commenter un match de foot c’est le truc le plus beau du monde. L’an passé, déjà, on a commenté la finale de la Coupe d’Écosse (avec Raphaël Sebaoun, ndlr), un match extraordinaire, c’était Hibernian, un club qui n’avait pas gagné depuis 1902, contre les Rangers.
Avant le match j’étais allé réviser, je m’étais payé un week-end en Écosse. J’étais allé le samedi à Edimbourg voir un match d’Hibernian, contre Raith Rovers. Le dimanche, je suis allé réviser les Rangers. Il n’y avait pas de match d’eux ce jour-là, l’Ibrox Stadium était fermé. Mais je vois un vieux monsieur, qui me dit “venez venez il y a un match de jeunes”, c’était les Rangers contre Motherwell. Et là j’ai pu découvrir Ibrox, un stade mythique, d’anthologie. Il y avait 100 personnes : les parents, les cousins… Je te raconte ça pour te montrer que ce qui se passe à la 87e minute, c’est mon amour pour l’Écosse.

Ensuite, on avait commenté la finale, il y avait eu du suspense, le petit club avait gagné, c’était génial pour le scénario, on avait pu s’exciter, il y avait une formidable ambiance. Et là on me propose la même chose, commenter la demi-finale entre le Celtic et les Rangers. Je leur dis “les gars vous m’offrez un cadeau merveilleux, c’est la Saint-Valentin, c’est Noël avant l’heure”. Et encore une fois je suis allé réviser, je suis taré, nan ? (Il stresse)
Mais nan ! Raconte ! 
Mais je ne sais pas comment on fait pour parler… je suis tendu ! Je comprends mieux les footeux maintenant… Donc deux semaines avant le match je vais voir Celtic-Motherwell (2-0). J’ai adoré, tu rencontres des gens, tu découvres un stade merveilleux. En 2008 déjà, j’avais passé une semaine de vacances en Écosse, au moment de l’Euro. C’était extraordinaire. Pour moi l’Écosse c’est tout ça, la finale l’an dernier, six mois de congé sabbatique avant, où je pars pour l’amour de foot anglais, les plus belles vacances de ma vie…

Là, à la 87e, il y a 0-0. Nous, on est à bloc depuis 1h30. Les deux nuits précédentes, j’avais dormi au journal (à la rédaction de L’Équipe, ndlr) sur un pouf, pour réviser ! J’avais regardé le Celtic-Rangers d’il y a un mois, 5-1, un match extraordinaire, triplé de Dembélé, j’avais acheté le DVD du match y a deux semaines. La nuit précédente, j’avais vu Inverness-Rangers d’il y a une semaine. J’avais énormément bossé.
Donc à la 87e minute, ce n’est pas un mec qui délire, qui pète les plombs, ce n’est pas du tout ça. C’est juste la passion qui se réveille, c’est naturel, je n’avais rien préparé. Quand j’étais petit, j’inventais des matches tout seul dans la salle de bain, j’inventais des PSG-Milan, des PSG-Marseille… Ma soeur frappait à la porte “Yoann putain y a le bus qui arrive dans 10 minutes”, je lui disais “attends Fanny, la prolong’ n’est pas finie! “ J’inventais des prolongations Argentine-Brésil ! Et la 87e minute, c’était l’accouchement de tout ça.
En plus, La Chaîne L’Équipe me laisse totalement exprimer ma passion. Personne ne me bride, personne ne veut modifier mon caractère joyeux. Je sais que j’ai beaucoup de chance d’avoir cette liberté.
Ça fait quoi de se retrouver sur des sites et des comptes Twitter anglais, qui reprennent ton commentaire maintenant ? 
Je suis super humble, c’est rigolo, c’est touchant. C’est comme s’il y avait une demi-finale de la Coupe de la Ligue et qu’on voyait des commentateurs autrichiens s’emballer sur un match. Il faut bien faire comprendre aux gens que Celtic-Rangers, c’est mythique. Le match était à Hampden Park , et ce stade c’est l’histoire du foot, c’est les poteaux carré de Saint-Étienne en 76. En fait, ma réaction c’est 0% fake. J’ai vécu à Turin pendant 4 ans, à Milan 3 ans, à Newcastle, j’ai vécu des derbies à n’en plus finir. Donc à la 87e, c’est mon histoire personnelle peut-être aussi qui ressort. En plus, j’ai beaucoup étudié, j’ai beaucoup bossé le sujet, je me suis investi, j’ai appelé des joueurs mythiques du Celtic, des journalistes écossais…
Justement ! Tu avais combien de petites feuilles de notes avec toi lors du commentaire ? 
Plein plein plein, ça au moins (il nous montre un tas de feuilles imaginaire d’une trentaine de centimètres). Mais sur le coup tu ne peux pas les lire, donc j’avais essayé de mettre sur une petite feuille la quintessence du bordel. J’avais mis plein de dates mais au final je n’arrivais plus à me relire. (Ndlr : Yoann Riou a toujours PLEIN de feuilles de notes pendant les émission de L’Équipe du Soir notamment, et il est même arrivé pour répondre à nos questions… avec des notes.)
Est-ce qu’à ce moment-là tu penses à tous ces enfants, tous ces jeunes, à qui tu dois transmettre l’amour du foot ?
Oui ! En fait, quand on me dit au printemps dernier que je dois commenter la finale, je suis super heureux mais je panique aussi. Je suis super stressé de la vie, j’avais la boule au ventre, et j’ai demandé conseil à Aurélien Delfosse, mon voisin de bureau. Il m’a donné la plus belle réponse du monde, il m’a dit : “Yoann, pendant 38 ans tu as été une éponge, tu as vu 100 000 matches de foot, tu as fait 100 000 entretiens avec des footballeurs, maintenant c’est à ton tour de transmettre, comme ton père t’avait transmis la passion du foot le premier jour où il t’a emmené voir un match de Guingamp”.

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“Commenter un match, c’est extraordinaire, et j’aimerais qu’à la fin du match, les gens se disent ‘le foot écossais c’est génial'”

Pendant 38 ans, on m’a donné, et maintenant c’est mon heure. C’est pour ça que je suis hyper humble, même là avoir une interview, je trouve ça ahurissant. Je pense que commenter un match, c’est extraordinaire, et j’aimerais qu’à la fin du match, les gens se disent “le foot écossais c’est génial”. C’est pour ça que j’essaye de donner des anecdotes, de raconter la philosophie des clubs, de dire aux gens d’aller à Ibrox, d’aller au Celtic Park.
Je suis un mec de passion, et je pense que oui, le mot clé c’est “transmission”, il faut essayer de transmettre quelque chose, avec générosité. Peut-être que les gens se disent quand ils m’écoutent que ce mec est fou, malade, je n’en sais rien, mais ils ont le droit de le penser, il n’y a aucun souci, mais c’est 100% générosité.
Tu nous parlais de ton enfance tout à l’heure, raconte-nous ton premier match à Guingamp, club dont tu es supporter ?
En fait, le bonheur absolu pendant mon enfance, c’est quand vers 17h, 18h, mon père me proposait d’aller au match à Guingamp. Et on prenait la voiture, c’est le moment que je préfère encore, j’y retourne samedi prochain (samedi dernier, maintenant, ndlr) pour Guingamp-Angers, c’est toujours mon père qui m’emmènera en voiture, il sera le conducteur, je serai le passager, on ne parlera pas trop, on écoutera sûrement des slows, Chérie FM je pense.


En fait c’était magique à Guingamp, c’était un petit stade, une ambiance fantastique, à l’anglaise, ce n’était pas encore le Roudourou. On allait en populaire, les places étaient debout, en latérale. Mon père me déposait devant le grillage, à côté de la ligne de touche, lui il était à 10 mètres derrière, moi j’avais la pelouse à 3 mètres devant. Je fumais de l’herbe du terrain déjà à 7 ans quoi ! J’étais haut comme 3 pommes, il y avait l’odeur des merguez et des frites, de la pluie l’hiver… Guingamp avait une belle équipe, des joueurs mythiques… C’était l’amour foot totalement.

“Je me faisais des matches entre les moutons et les vaches”

Quand j’étais ado, mes grands-parents étaient agriculteurs et au milieu d’un champ on avait construit un but. Je me faisais des matches entre les moutons et les vaches, je m’inventais des actions, un scénario, centre, retourné… Je jouais, je commentais en même temps, j’étais tout quoi. C’était un bordel sans nom, ça durait des heures et des heures.
Ensuite, comment tu es arrivé à L’Équipe ? 
J’étais en licence d’histoire à Rennes, j’avais une copine, Sandrine. À l’époque, à L’Équipe, il y avait un chroniqueur qui s’appelait Christian Montaignac, il faisait des chroniques sur le foot toutes les deux ou trois semaines, c’était très romantique et sentimental. Moi j’adorais ce mec, et Sandrine me lisait ses chroniques à haute voix, au petit déjeuner.
Arrive la Saint-Valentin 2000. Je me demande ce que je peux offrir à Sandrine, et j’ai eu l’idée d’écrire à Montaignac, je lui ai demandé s’il acceptait d’être le cadeau de Saint-Valentin pour ma copine, si on pouvait le rencontrer. Je lui ai écrit une lettre enflammée de je ne sais plus combien de pages. Et là il me répond dans une lettre “quel plus beau cadeau que d’être soi-même un cadeau de Saint-Valentin, venez à Paris quand vous voulez”. On monte à Paris, superbe rencontre au journal, on parle de la vie, de l’amour, et peu du journalisme finalement.

“Le foot est une magnifique fille, je crois !”

Et c’est juste à la fin qu’il me demande si je veux faire du journalisme, et je n’avais pas fait ça pour ma carrière du tout. Il me demande de lui envoyer mon pressbook et me dit qu’il n’est chef de rien à L’Équipe, mais que je dois écrire à Gérard Ejnès, qui s’occupe du “vivier” de L’Équipe, d’où vient la génération actuelle en quelque sorte. Ejnès me dit “vous avez l’air fou donc si vous êtes aussi fou que je pense, prenez un appart à Paris en janvier et vous m’appelez à ce moment-là”. J’abandonne les études, j’arrive à Paris en janvier 2001, en n’ayant aucune promesse de personne. Je suis arrivé à L’Équipe grâce à une histoire d’amour. C’est pour ça que ma vie est une Saint-Valentin permanente, même si je n’ai pas de copine en ce moment !
Tu es tombé amoureux d’une fille ou du foot en premier ? 
Ah, très bonne question ! (Il explose littéralement de rire) Le foot est une magnifique fille, je crois ! C’est la fille idéale en fait. C’est une super bonne question de comparer le foot et une fille… (rires) Bah le foot nous trahit rarement, jamais en fait. Le foot vous réserve toujours de belles surprises, une fille aussi… Mon premier amour ? (Il réfléchit en riant) Allez, le foot ! En fait, le foot c’est la plus belle femme du monde.
Revenons-en à L’Équipe, comment as-tu commencé ? 
Mon premier job à L’Équipe, ça a été le Minitel, 36 15 L’Équipe. On faisait des trucs de fou, j’avais fait un match de l’US Open je crois, je racontais le match point par point, je racontais un point en 5 000 signes ! Maintenant je suis vraiment couteau suisse, je suis très libre, un peu de télé, un peu L’Équipe web, un peu le journal…
Entre temps, tu es parti en Italie, raconte-nous ton histoire là-bas.
Amour fou, quoi. En 2005, on est à un an des JO de Turin, on vient me voir et on me dit “on cherche quelqu’un pour aller en Italie, pour être bien avec le comité d’organisation, pour s’immerger dans la ville, pour rencontrer les différents acteurs”. J’ai dit oui avant même qu’il ne finisse la phrase. Deux semaines plus tard, je  m’en rappellerai toute ma vie, un dimanche fin janvier je prends ma voiture, j’étais jamais allé en Italie, je ne parlais pas un mot, je passe le tunnel de Fréjus, et là je mets la radio et je tombe sur le multiplex de foot. Et là je kiffe tout de suite. J’entends les commentaires, les mecs qui s’excitent, et là je me dis “putain je vais aimer ce pays”. Le premier jour, je vais au resto manger des penne all’arrabiata et tout de suite j’ai adoré Turin.
Ça devait durer un an, je suis resté 7 ans, j’ai kiffé parce que j’ai eu la chance de vivre à Turin, qui est un ville formidable, passionnante, fascinante. Et j’étais dans la ville de Platini. Je suis né le 1e avril 1978 à 18h15, deux heures plus tard il y avait France-Brésil au Parc des Princes, but de Platini, donc j’ai grandi avec Platini, et là je vivais dans sa ville.
J’ai eu énormément de chance car en 2006 il y a le scandale de la Juve, donc j’ai du boulot en pagaille. Après Laure Manaudou arrive, et je la pistais, elle s’entraînait dans une piscine à 1 km de mon appart, le matin j’arrivais 6h à la piscine, je regardais si elle allait s’entraîner. C’était incroyable Manaudou, ça m’a permis de faire un peu de natation.

“En Italie, le foot c’est le sang”

Et surtout j’ai adoré la passion italienne, je trouve que c’est un pays merveilleux. Là-bas le foot, c’est le sang. Ça coule dans toutes les veines. Je suis très mélancolique, et j’adore être dans des pays très nostalgiques, à Newcastle aussi, le foot c’est tout, c’est pas comme en France, là-bas c’est totalement un art de vivre, c’est un mode de vie. Le plus beau en Italie, c’est le dimanche matin vers 11h30, le pays dort encore un peu, et le volcan va s’embraser à 15h, pour les matches. J’adorais le dimanche en Italie.
Quel est ton meilleur souvenir de l’Italie ? Un match, une rencontre ? 
Maldini, chez lui. Il y a Auxerre-Milan en Ligue des Champions en 2010 et je me dis “tiens je vais essayer d’interviewer Maldini”. Un formidable collègue italien me file son numéro, j’appelle tremblant. Et là, il répond. “Ohhhh monsieur Maldini bonjour, excusez-moi je suis désolé, est-ce que c’est possible de faire une interview ?” Et là il me dit “oui pas de souci, venez chez moi dans quelques jours, voici mon adresse”. J’ai rencontré l’immense Paolo Maldini, chez lui, dans sa maison, et il est d’une gentillesse exceptionnelle.


Tu nous parlais de Newcastle. Raconte-nous l’Angleterre cette fois. 
Je pense que les gens vont rigoler. Je fais une interview en février 2014 avec Loïc Rémy et en septembre 2014, je fais Cabella. J’arrive un peu avant, je repars un peu après. Et là le coup de foudre, c’est vraiment une femme, Newcastle c’est peut-être la femme de ma vie. J’ai tout adoré, le nord de l’Angleterre, une ville industrielle, une énorme générosité, des briques, le ciel gris. J’ai l’impression d’être chez moi. Je crois que Newcastle c’est l’amour de ma vie, j’ai tout de suite adoré.

Je suis allé voir mes chefs pour leur demander de partir en congé sabbatique, à Newcastle (rires). Ils ont été super, mais le choix peut surprendre. Moi je voulais une vraie ville. J’adore les villes ouvrières, j’adore l’industrie. Une sorte de gris, mais dans le cœur les gens sont chaleureux.

“Newcastle c’est l’amour de ma vie”

J’arrive là-bas, je tombe dans une famille d’accueil à 200 mètres de St James’ Park, de mon lit je voyais St James’ Park, du salon St James’ Park, quand je prenais mes cornflakes le matin je voyais St James’ Park, et St James’ Park était attiré par moi : j’allais à l’école le matin, et quasiment de la classe on voyait St James’ Park. Là j’ai kiffé. J’ai pété un câble, j’ai vécu une crise d’ado, j’ai pété les plombs. Ma banquière m’a appelé au moins quatre ou cinq fois : “L’argent c’est la dégringolade là , c’est la descente de Kitzbühel”, je répondais “madame excusez-moi c’est le voyage de ma vie”.


Un jour, je vous assure que c’est vrai, j’étais à Belfast, je voulais aller au cimetière de George Best, et là je vois un numéro qui m’appelle, c’est la banquière : “Monsieur Riou ça va pas du tout, votre compte est dans le rouge, il faut faire un prêt ! – Mais madame je suis en pèlerinage sur la tombe de George Best, on se rappelle lundi pour faire le prêt”. Voilà je me suis quasiment ruiné mais c’est pas grave quoi, j’ai vécu un kiff.
J’y allais pour travailler, et j’ai transformé ça en road trip foot. Je suis allé voir Newcastle, je suis même allé en Irlande, à Belfast, j’ai découvert la folie, c’était magnifique. Je suis allé en déplacement avec les supporters de Newcastle le jour où ils ont pris une raclée à Chelsea, j’ai aussi vu la raclée à City, mais c’est pas grave, les mec prenaient des raclées, ça chantait, ça rigolait, j’étais comme un gamin de 12 ans.
Quel est le match le plus fou que tu aies vécu au stade ? Dans toute ta vie ? 
(Il réfléchit longuement). Janvier dernier. Liverpool/Arsenal. Match de championnat, pluie incroyable, Anfield. C’est janvier, le soir, la lumière est magnifique, l’herbe est magnifique. Avec Klopp sur le banc qui est là depuis quelques semaines. Il y avait même à un moment de la neige pluvieuse, c’est un rêve. 3 partout, Liverpool égalise à la dernière minute, tu avais la beauté magique, absolue du foot anglais. Giroud avait marqué. J’avais les larmes aux yeux. Tu as des gens autour de moi qui sont heureux comme tout, des papis, des mamies, des enfants, t’as la musique, You’ll never walk alone, tu kiffes, un truc de fou, c’est indécent en fait.

“Liverpool égalise à la dernière minute, tu avais la beauté magique, absolue du foot anglais. J’avais les larmes aux yeux.”

Dès que j’arrive en Italie, en février 2005, quelques semaines plus tard il y avait un huitième de finale de Ligue des Champions, match retour Juventus-Real Madrid. Je devais noter les joueurs de la Juventus, donc tu m’imagines noter des joueurs ? C’est l’école des fans. Et là, c’est un scénario de dingue, match merveilleux, 70 000 personnes, c’est la folie totale dans le stade, c’est Trezeguet en prolong’ qui met un but hallucinant, le stade explose (Trézéguet marque à la 75e, Zalayeta en prolongation, ndlr).
Et grâce à la générosité de Didier Roustan, j’ai aussi eu l’immense chance d’assister à une finale de la Copa America, en 2015, à Santiago entre le Chili et l’Argentine… Moment magique ! Nous étions tous les deux au milieu du peuple, derrière un but. J’aurai une reconnaissance éternelle pour Didier par rapport à ce cadeau incroyable qu’il m’a fait ! Et je suis tombé amoureux à vie du Chili.


Et le plus beau match, le meilleur souvenir, c’est Anfield. En 2005, ce sont les 20 ans de la tragédie du Heysel. Le hasard de la vie fait qu’en quart de finale de la Ligue des Champions, il y a Liverpool-Juventus. J’allais en reportage avec les supporters de la Juve, qui allaient à Anfield pour le match aller. J’ai rejoint les supporters à Londres, j’ai fait le voyage en car entre Londres et Liverpool, avec une association qui s’était créée en hommage aux victimes du Heysel. C’était très émouvant. Tu imagines l’atmosphère de recueillement, c’était la première fois que des supporters de la Juve allaient à Anfield. J’étais dans le parcage des supporters de la Juve et c’était magnifique, car Anfield avait rendu hommage de manière extraordinaire aux victimes, il y avait eu un énorme tifo “Amitié”.
Arrêtons de parler de tes souvenirs, passons au présent et à l’avenir. Tu prépares combien de feuilles de notes pour L’Équipe du soir ? Et combien de temps cela te prend ? 
Énormément. L’émission commence plus tôt maintenant, vers 19h30. Donc on a les sujets qui tombent vers 15h30, et en général à 16h30 c’est parti. Encore une fois, c’est par respect pour les gens, je ne veux pas arriver les mains dans les poches en découvrant les sujets. Donc je bosse, je vais sur internet, je passe des coups de fil, je lis des archives de L’Équipe. Certains me disent que je bosse trop, mais on ne bosse jamais trop dans ce métier.

Et j’appris un truc avec Twitter : les gens connaissent tout sur tout. Ils ont un job et le week-end ils profitent de leur temps pour avoir la passion du foot. Pour préparer l’Écosse, j’ai passé 2 heures au téléphone avec une étudiante picarde qui habite à Amiens, elle savait tout sur le foot écossais. Elle m’a énormément aidé. Il faut être humble, il faut bosser. Sur Twitter, les gens savent tout, c’est pour ça qu’on ne peut plus se permettre de ne plus bosser. Ils vont sur le terrain, ils savent ce qu’est une ambiance de foot. Tu ne peux pas dire des conneries.
Justement, Twitter. Tu es une petite mascotte sur ce réseau…
Je kiffe le partage. En fait, c’est la fin des experts, il n’y a plus de frontières, il n’y a plus d’arrogance. Parce que tu tombes sur des gens qui ne sont pas journalistes, mais qui adorent le sport, ils adorent le foot, et ils en savent plus que nous.

“Twitter, c’est un immense et formidable joyeux bordel, c’est un quartier en fait”

Il y a des spécialistes de tout. Twitter, c’est un immense et formidable joyeux bordel, c’est un quartier en fait. Tu sais exactement ce que vont dire les gens, tu connais les gens romantiques, ceux qui vont tailler, ceux qui aiment Marseille, ceux qui vont faire des blagues…. En fait tu as l’impression que tu connais les gens par coeur, mais sans les connaître.



Un jour quelqu’un avait dit “sur Twitter, j’ai l’impression d’être au bled”. C’est ça en fait. On est tous pareils sur Twitter, on est tous des fans de sport. Je pense que certains journaux devraient embaucher des twittos, car il y a des gens brillants, qui ont des traits d’humour, des traits d’esprit. Il y a des tweets très beaux, c’est un formidable laboratoire de créativité, de fantaisie. On n’est pas là pour se prendre la tête, pour se tailler, je n’aime pas les gens qui taillent. On passe notre temps à rigoler, à nous émouvoir, moi je kiffe.
Tu te vois où dans 10 ans ?
Je dis tout, je m’en bats les co****es… J’ai réalisé tous mes rêves professionnels, je ne pensais jamais aller à San Siro, ou au Parc des princes, ou au Vélodrome, ou au Stade Olympique de Rome. Et maintenant j’ai envie d’avoir un enfant. Donc dans 10 ans je me vois avec mon fils, qui s’appellera Diego, et je l’emmènerai au Roudourou, à San Siro ou à Newcastle.

Dernière question : est-ce que tu aimes cette vie ?
(Il se couche sur la banquette du bar pour exploser de rire) OUI ! C’est une vie d’enfant en fait, j’ai l’impression d’être un enfant dans une cour de récré. Dans la cour de récré, je jouais au foot, aujourd’hui je commente du foot, et j’écris sur le foot. Je ne comprends pas les journalistes aigris ou rabat-joie. Tu as vu le métier qu’on a ? Et je dis même qu’on n’a pas un métier, on a une profession de foi. Parce que tu imagines : notre vie c’est du foot. C’est du bonheur, c’est du partage. Le matin, je me dis que je vais écrire sur du foot ! C’est indécent ! C’est super…