“Le racisme est un sujet qui met plus mal à l’aise que la religion” : entretien avec Nicolas Vilas, auteur d'”Enquête sur le racisme dans le football”

“Le racisme est un sujet qui met plus mal à l’aise que la religion” : entretien avec Nicolas Vilas, auteur d'”Enquête sur le racisme dans le football”

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Par Julien Choquet

Publié le

Après Dieu Football Club, Nicolas Vilas, journaliste à RMC Sport, revient sur le devant la scène avec un nouveau livre autour du racisme dans le football. 
Si vous le connaissez très certainement pour ses nœuds papillon et ses sorties lyriques dans l’After RMC, Nicolas Vilas n’est pas qu’une voix. Après avoir sorti Dieu Football Club en 2014, le journaliste franco-portugais revient en librairies en ce mois de septembre avec la sortie de Enquête sur le racisme dans le football, aux éditions Marabout. Un ouvrage rempli de témoignages autour d’un sujet qui dérange encore aujourd’hui, et qui pourrait faire changer certaines mentalités. Entretien.  


Football Stories | Après Dieu Football Club et la religion, vous vous attaquez désormais au racisme dans le football. Pour vous, les sujets de société semblent plus qu’importants dans le monde du foot. 
Nicolas Vilas | Très clairement, c’est ce qui m’intéresse le plus dans le foot. Je pense qu’il est important que les gens comprennent que le foot ce n’est pas qu’un jeu, pas que de la tactique. Il y a une vraie dimension sociale, historique, culturelle, politique à prendre en compte. Et ce sont toutes ces choses-là qui rendent ce sport si passionnant. On dit souvent que le foot est le sport le plus pratiqué, mais ce qui est vraiment intéressant à regarder, c’est de voir comment ce sport se positionne dans la société actuelle. 
Quel témoignage vous a le plus marqué dans votre livre ? 
C’est difficile de ressortir un seul extrait… Quand Luc Sonor me raconte son arrivée en France, c’est incroyable. Quand Abdeslam Ouaddou nous parle de ce qu’il s’est passé lors du Metz-Valenciennes FC, c’est fou aussi. En fait, il y a beaucoup d’histoires assez fortes, qui vont plus ou moins toucher les lecteurs en fonctions des problématiques abordées.
La méthodologie que j’ai eue dans ce livre, ça a été de donner la parole à des personnes qui ont la légitimité d’en parler, que je sois en accord avec eux ou non sur le sujet. C’est important. Et d’ailleurs, ça n’a pas été simple de recueillir tous ces témoignages, car j’ai essuyé beaucoup de refus. 

Parce que le sujet est encore tabou ? 
Je n’emploierais pas ce mot, parce que les gens en parlent quand même. Mais c’est vrai que j’ai l’impression que le racisme est un sujet qui met plus mal à l’aise que la religion. Pour une raison qui est à la fois simple et complexe. La religion c’est quelque chose qui relève de l’intime, quelque chose que l’on ressent et dont on ne doit pas avoir honte.
Concernant le racisme, il y a différents aspects qui peuvent gêner l’intervenant. Certains ne veulent pas en parler parce qu’ils estiment que ce n’est pas un problème, d’autres parce qu’ils ne veulent pas “remuer la merde” ou passer pour des victimes. Et puis il y a aussi ceux qui en ont déjà parlé par le passé, et qui derrière ont ramassé pas mal de critiques, parce que leurs propos avaient été modifiés, déformés. Donc ils ne souhaitent plus témoigner du tout…
Après ces entretiens, pensez-vous qu’il y a eu une amélioration au fil des années concernant le racisme dans le foot, ou qu’au contraire on stagne ?
Je pense qu’il ne faut pas se poser la question dans ces termes. Il faut réaliser que le foot fait partie intégrante de la société, et qu’il lui ressemble donc beaucoup. Si le racisme existe dans la société, est-ce qu’il existe dans le foot ? Je ne vois pas pourquoi je répondrai non. Est-ce que la société essaye de lutter contre le racisme ? Oui, tout comme le foot. Mais c’est très complexe, car cela dépend des comportements individuels. 
Du coup, comment pourrait-on lutter efficacement contre ce fléau ? 
Dans mon livre, Abdeslam Ouaddou dit une chose très intelligente : “La base de tout, c’est l’éducation.” À partir du moment où tu es éducateur, et que tu as dans ton groupe des jeunes qui ont un certain nombre de préjugés qui leur ont été inculqués dès la naissance, c’est compliqué de tout changer. On peut véhiculer des valeurs, mais il faut que cela soit fait à un niveau plus global. Encore une fois, on en revient au fait que cela dépasse largement le cadre du foot, et que c’est un sujet de société. 

Concernant les supporters, est-ce que les clubs sont aujourd’hui obligés de passer par la case “punition collective” pour éradiquer le racisme dans les stades ?
Il ne faut pas le nier, le racisme existe dans les stades. En revanche, ça ne veut pas dire qu’il faut fustiger tous les supporters. Et pire que ça, ce n’est pas parce qu’il y a des racistes dans les rangs de certains groupes de supporters dans certains clubs qu’il faut taper sur tous les supporters… 
… un peu comme a pu le faire le PSG avec le plan Leproux en 2010 ?
Le PSG est censé représenter une région, l’Ile-de-France. Au Parc des Princes, on retrouvait différentes idéologies de cette région, avec des supporters d’extrême droite et d’extrême gauche notamment. Il y a eu des affrontements, violents, entre des minorités de ces groupes, et le PSG a choisi de couper le mal à la racine. Il y avait des branches pourries, qui commençaient à gangrener l’arbre, et ils ont choisi de couper la base du tronc.
La question qu’on peut se poser aujourd’hui, c’est pourquoi les clubs ne font pas du cas par cas, étant donné que chaque supporter est filmé dans les enceintes du stade aujourd’hui ? 
Enquête sur le racisme dans le football, aux éditions Marabout, est disponible depuis le 5 septembre. 

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