“L’escrime est un sport que l’on ne suit pas assez”, entretien avec Pauline Ranvier

“L’escrime est un sport que l’on ne suit pas assez”, entretien avec Pauline Ranvier

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© Sami Aissi

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Par Julie Morvan

Publié le

L’escrimeuse de talent s’engage activement pour mieux faire connaître sa discipline de cœur.

Du haut de ses 27 ans, Pauline Ranvier vient tout juste de décrocher la médaille d’argent en équipes aux Jeux Olympiques de Tokyo. Fleurettiste de haut niveau, elle est membre de l’équipe de France d’escrime, vice-championne du monde en individuel et vice-championne d’Europe par équipes.

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Décidée à mettre la lumière sur l’escrime, elle a réalisé une série de vidéos sur son compte Instagram. Avec Paris X Fencing, elle met à l’honneur l’élégance de sa discipline dans un Paris nocturne magique ; dans Bref je suis sportive de haut niveau, elle déconstruit les clichés qu’elle reçoit à longueur de journée. Konbini Sports a discuté avec elle de son parcours et son combat pour donner à l’escrime la notoriété qu’elle mérite.

Konbini Sports | Tu peux nous raconter quand est née ta passion pour l’escrime ?

Pauline Ranvier | J’étais fan des films de cape et d’épée, surtout Zorro. Un jour à l’école, j’ai dû choisir un atelier sportif et parmi les choix, il y avait l’escrime. Ça m’a fait penser à mon héros préféré alors j’ai commencé à y aller… et j’ai adoré.

J’étais un peu impatiente au début parce que l’on ne touche pas à l’arme. Je me suis ensuite inscrite au club “Paris Suffren” aux pieds de la tour Eiffel. C’est là-bas qu’on m’a transmis les valeurs et l’amour de ce sport et j’ai commencé à y passer plus de temps que ce que je devais. Je m’y sentais bien tout le temps, donc au lieu d’y aller 2 heures, j’y restais 4 ou 5, et ce jusqu’à trois fois par semaine. J’avais 14 ans à l’époque, j’y allais après l’école et je restais jusqu’aux cours des adultes. Je trouvais ça incroyable de pouvoir me confronter à des personnes de 30 à 40 ans, qui avaient l’âge d’être mes parents à l’époque. [rires]

Qu’est-ce que l’escrime t’apporte ?

Ça m’apporte… tous les jours ! Déjà, c’est un sport qui m’a fait grandir, en tant que sportive et en tant que femme. Pour moi l’escrime, c’est un accélérateur de vie. Dès le plus jeune âge, on voyage pour participer à des compétitions partout dans le monde, on apprend la vie en communauté, la victoire, la défaite, l’humilité, le contrôle de soi, la confiance, la constance… Ça m’apporte beaucoup de valeurs et de leçons au quotidien. Par exemple, ne jamais baisser les bras. À chaque fois que j’ai pris des coups, que j’ai subi de gros échecs, j’ai toujours cru en moi. Je me suis dit que quoi qu’il arrive, ça peut toujours le faire, ce n’est pas fini, il suffit de persévérer pour y arriver. Et je le pense toujours aujourd’hui.

Quels sont les événements dans ton parcours qui t’ont particulièrement marquée ?

La médaille d’argent individuelle aux championnats d’Europe d’escrime en 2019, à Budapest. C’était un moment de ma carrière où je n’étais pas bien mentalement et cette victoire par équipe a été un moment très fort. C’était incroyable. Quand on gagne en individuel c’est génial, mais quand on gagne par équipe, c’est encore plus incroyable. On donne de la force à ses partenaires, on les voit gagner et on ressent la victoire avec eux. La même effervescence que quand on marque un but en Coupe du monde, on est comme des oufs.

Tu peux nous parler de tes projets pour mettre en avant l’escrime ?

Ça a commencé avec le confinement. Il m’a donné pas mal de temps pour réfléchir et je me suis demandé ce que je pouvais faire pour m’occuper. J’avais toujours voulu associer l’escrime, mon sport de prédilection, ma passion, avec la ville de Paris. Elles ont beaucoup de choses en commun : l’élégance, l’histoire… Donc pour la première vidéo, j’ai rencontré en juin 2020 une équipe de réalisateurs, je leur ai parlé du projet et ça les a intéressés. Ils m’ont rappelée en octobre 2020, j’ai commencé à scripter, écrire ce que j’avais en tête : la beauté de la ville, les valeurs du sport… Puis on a tourné de nuit avec l’équipe jusqu’à 2, 3 heures du matin. C’était éprouvant physiquement mais une super expérience.

De fil en aiguille j’ai touché aux logiciels de montage, j’ai appris toute seule et j’ai monté toutes les vidéos, dont la plus récente. J’ai reçu beaucoup de retours positifs, de gens que ça avait fait rire et de sportifs qui se retrouvaient complètement dedans. C’était exactement l’objectif que j’avais.

Quels sont les clichés sur l’escrime que tu veux combattre grâce à cette vidéo ?

Chaque sport a ses clichés, et pour le coup je n’ai pas eu à me casser la tête pour les trouver car tous ceux dans la vidéo, je les ai vraiment vécus. Par exemple, pour l’escrime, il y a ceux qui disent que ce n’est pas vraiment un sport. Ces gens-là, je leur donne un fleuret, un masque, un exercice, et au bout d’une heure ils n’arrivent plus à respirer. [rires] Ceux aussi qui demandent si tu fais de l’escrime ou du fleuret, c’est comme si tu demandais à un athlète s’il fait de l’athlétisme ou du saut en longueur.

Globalement les gens ne connaissent pas beaucoup l’escrime, alors que beaucoup aimeraient ce côté sport de combat sans toucher l’autre avec ses mains ou ses pieds. L’escrime est un super sport, très beau, mais on ne le regarde qu’aux Jeux olympiques. Les gens ne le suivent pas assez, quand on demande de citer un nom de champion d’escrime, ils n’en connaissent pas. Donc il faut qu’on donne envie aux gens de faire de l’escrime, de connaître les escrimeurs aussi bien que les joueurs de foot.

J’aimerais que l’on s’intéresse un peu plus aux sports de haut niveau, qu’il y ait la même effervescence dans les bars et dans les rues pendant un match d’escrime qu’un match de foot. Il faut suivre encore plus de sportifs, pas que les footballeurs, parce que tous les athlètes ont besoin de soutien.