“Les supporters turcs et moi, on s’est bien trouvés” : on a discuté avec Mario Lemina

“Les supporters turcs et moi, on s’est bien trouvés” : on a discuté avec Mario Lemina

photo de profil

Par Abdallah Soidri

Publié le

La folie des supporters turcs, les réseaux sociaux, sa persévérence, Ninho... Lemina fait un bilan de 10 ans.

Avant de finir l’année 2019, on est parti à la rencontre de Mario Lemina. L’ancien joueur de l’OM et de la Juventus évolue désormais en Turquie, à Galatasaray. Le rendez-vous a été pris dans le nouveau restaurant qu’il ouvre dans la ville de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine). L’occasion pour nous de parler de la ferveur du football turc, mais aussi de faire un bilan de la décennie, entre sa carrière et son goût pour Netflix. Entretien.
Tu es en Turquie depuis cet été, comment ça se passe ?
Niveau football, je m’épanouis — même si en ce moment les résultats ne sont pas au top, mais on espère faire une meilleure 2e partie de saison. Istanbul est incroyable. Il y a tout ce qu’on recherche dans une ville moderne.
Tu t’attendais ça en arrivant à Istanbul, tant sur le plan sportif qu’extra-sportif ?
Je savais très bien qu’Instanbul était une ville très moderne, presque similaire à Paris. Sur le plan sportif, je savais très bien que Galatasaray était un club champion, qui gagne des titres tous les ans, avec de gros objectifs. Ça m’a permis de retrouver la Ligue des champions et un groupe qui cherche à gagner tout le temps. C’est très plaisant.
Tu as aussi trouvé la passion des supporters turcs.
Je le sens tous les jours, que ce soit sur le terrain ou sur les réseaux sociaux. Ils sont incroyables parce qu’ils ont une passion extrême, parfois un peu trop. Les supporters et moi, on s’est bien trouvés : je suis quelqu’un qui donne tout sur le terrain et c’est ce qu’ils recherchent. Maintenant, je fais partie de la famille.
C’est quoi le truc le plus dingue que tu as vu depuis ton arrivée ?
Il y a un nombre incalculable de personnes avec le drapeau de Galatasaray, qui crient “Galatasaray”. C’est quasiment les supporters qui font vivre le club. Là-bas, ça a pris une ampleur au-dessus de la normale. Les supporters sont vraiment le club.
Avant que tu signes à Galatasaray, tu as eu droit aux commentaires sur Instagram pour te demander de venir au club ?
Je les ai eus trois ans avant, parce que j’avais déjà parlé avec les dirigeants de Galatasaray. Cette année, je les ai eus aussi, c’était grave. Ça m’a poussé à aller vers eux et ça m’a conforté dans mon choix de rejoindre le club cette année.
Une des particularités du club, c’est qu’il se trouve à Istanbul, où il y a aussi le Besiktas et Fenerbahçe. C’est comment un derby stambouliote ?
Franchement, c’est top. J’ai joué le derby contre Fenerbahçe à domicile et l’ambiance était incroyable. On n’a pas eu le résultat qu’on voulait — on a fait 0-0 — mais les supporters étaient au taquet.


De toutes les ambiances que tu as pu voir dans ta carrière, tu la situes où celle dans le stade de Galatasaray ?
Numéro 1. Sans hésitation, numéro 1. Je n’ai jamais vu un stade qui chante tout le long du match. On ne s’entend pas, que ce soit dans un petit match ou lors d’une grosse affiche. Ils supportent leur club à fond, dans les bons comme les mauvais moments.
C’est une meilleure ambiance qu’au Vélodrome ?
Le Vélodrome c’était une superbe ambiance aussi. En terme d’amour du club, c’est similaire mais pour ce qui est du bruit au stade, c’est Galatasaray.
On va finir une décennie [l’interview a été réalisée le 30 décembre 2019], quel regard portes-tu sur les 10 dernières années ?
J’ai grandi grâce au football. Il fait partie intégrante de ma vie dans le sens où j’ai pu comprendre certaines choses de la vie, prendre en maturité. J’ai eu mes enfants qui m’ont encore plus fait prendre en maturité. J’ai connu de nouvelles expériences, appris de nouvelles langues. J’ai tout connu grâce au football. C’est toute ma vie.
Quand tu repenses au Mario Lemina de Lorient en 2010, et que tu te vois aujourd’hui, avec toute ton expérience (Marseille, Juventus, Southampton), qu’est-ce que tu dirais au toi d’il y a 10 ans ?
J’ai envie de lui dire : “Merci. Merci d’avoir été persévérant. Merci d’avoir travaillé dur.” On sait très bien que le football est un milieu compliqué. On passe par les centres de formation, les clubs amateurs, et on ne sait jamais où on va atterrir. J’ai été persévérant dans ce que j’ai fait et je n’ai pas lâché. Donc, merci à lui.
Quand as-tu su que tu allais devenir footballeur professionnel ?
À partir du moment où j’ai quitté ma famille en région parisienne. Dès que j’ai mis le pied en centre de formation, je savais que je ne devais pas faire machine arrière et arrêter les conneries extra-sportives. Alors, j’ai tout donné. Je savais que mes parents étaient avec moi, même s’ils ne pouvaient pas tout le temps venir me voir. Ils ont toujours été près de moi donc j’ai tout donné pour les rendre fiers. Et c’est ce sentiment de fierté qui m’a permis d’aller aussi haut.
Sportivement, qu’est-ce que tu retiens de cette décennie ?
La finale de la Ligue des champions (avec la Juventus en 2015, ndlr). La Coupe du monde avec les U20 qu’on a remportée (en 2013, ndlr). Gagner deux fois le championnat avec la Juventus. Mon arrivée à Galatasaray. Marseille-PSG au Vélodrome, on perd 3-2 (en avril 2015, ndlr) mais l’entrée sur la pelouse était incroyable, j’ai toujours un bon souvenir de ce match. Mon premier but sous les couleurs marseillaises, le jour de la naissance de mon petit garçon.

À voir aussi sur Konbini

“Je crois que j’ai regardé tout Netflix”

Et en dehors du foot ?
Je ne savais pas que j’aurais le cerveau pour apprendre 3-4 langues. Aujourd’hui, je les parle assez bien, ce qui est une bonne chose pour l’après-football. Je me suis ouvert au monde du business, et ça prouve que je suis en train de m’ouvrir à autre chose.
Donc maintenant que tu parles 3-4 langues, tu regardes tes séries sans sous-titres ?
En anglais, sans sous-titres. En italien, sans sous-titres. En espagnol, avec de gros sous-titres [rires]. Mais sinon, la plupart du temps je comprends très bien.
Tu regardes quoi comme série ?
Je crois que j’ai regardé tout Netflix. Tu sais, quand on est footballeur on galère beaucoup [rires]. En ce moment, je regarde You, je suis à fond dedans. Je pense que toutes les séries que les gens regardent, je les ai déjà vues. J’aime bien les manga qu’il y a sur Netflix. Je ne sais pas si tu connais… [il cherche le titre] Baki, c’est top. Je me fais Naruto aussi : j’en suis au début de la saison 2 quand ils sont encore petits.
Il y a quelques mois, tu nous parlais de Chily que t’écoutais beaucoup. C’est toujours le cas ?
J’écoute toujours Chily, je kiffe ce qu’il fait. Aussi, mes frères me disaient tout le temps : “écoute Ninho, écoute Ninho.” Et pour moi, c’est vraiment le boss en ce moment. Lyricalement parlant, c’est un boss. Comme mes frères disent : “c’est le Mbappé du rap français.”
Tu es aussi très présent sur les réseaux sociaux. Comment tu les utilises ?
Au début, je négligeais les réseaux sociaux. J’aimais bien mais sans plus. Parce qu’il y a des commentaires que tu aimes moins que d’autres, mais à force on s’habitue. Avec l’expérience et la maturité, je me suis entouré d’une équipe qui a façonné mon image. Ils m’ont fait une chaîne Youtube, Lem’s Life, qui marche super bien. Avec les supporters turcs, qui sont vraiment derrière moi, je leur dois de présenter quelque chose de quotidien, pour qu’ils voient ce qu’est ma vie à l’extérieur du football. 
Tu le fais plus pour eux ou c’est aussi pour toi ?
Maintenant ça me plaît de plus en plus. Au début, c’était un truc entre potes, marrant. Aujourd’hui, je sens que je suis en train d’avoir une fanbase importante, et il faut que je leur montre que je suis actif. Ils me donnent et je leur rends.
C’est quoi ton réseau social préféré ?
Je suis plus Instagram. Je passe vraiment du temps dessus. Comme je l’ai dit, j’ai une grosse communauté et je regarde tous les messages qu’ils m’envoient.

Toi aussi, la première chose que tu fais au réveil, c’est d’aller sur Instagram ?
Non. La première chose que je fais, c’est de regarder les photos de mes enfants. Mais une fois que c’est fait, je peux déboucher sur Instagram.
Avec ton équipe, vous avez créé une mini-série sur ta chaîne, c’est quelque chose que tu as envie de développer par la suite ?
Ce que je veux développer, c’est la vie d’un footballeur. Je pense que tout le monde n’a pas la possibilité d’avoir un vrai inside d’un joueur de foot, avec tous les sacrifices qui contribuent à être pro. Dans la difficulté comme dans les bons moments, on le montre pas tout le temps. Dès qu’on m’a proposé de le faire, j’ai trouvé ça hyper intéressant. En plus, à ce moment-là, je revenais d’une très grosse blessure, et ça m’a permis de montrer tous les sacrifices que j’ai pu faire avant de revenir au niveau auquel je suis aujourd’hui. On est parti sur une bonne base pour attirer le plus de jeunes à regarder le vrai milieu professionnel.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour 2020 et la prochaine décennie à venir ?
La première chose, c’est la santé. C’est le plus important.
Et dans le football ?
Je me vois jouer encore un paquet d’années. J’ai encore le temps, je n’ai que 26 ans. Mais c’est vrai que depuis 2 ans, je réfléchis à ce que je pourrais faire après ma carrière. Je veux rester dans le football, dans tous les cas. C’est toute ma vie, et c’est ce qui m’a permis d’avoir tout ce que j’ai aujourd’hui. C’est donc important pour moi de rester dans ce milieu, tout en ayant des business à côté, pour faire fructifier tout ce que j’ai reçu grâce au foot.