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Entretien avec Julien Momont, co-auteur du livre qui va vous réconcilier avec la tactique

Entretien avec Julien Momont, co-auteur du livre qui va vous réconcilier avec la tactique

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Par Lucie Bacon

Publié le

“Le tableau noir, les gens s’en foutent, mais derrière tout ça, les réflexions sont intéressantes”

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“La Ligue 1 est plus pragmatique que romantique”

De l’extérieur, la L1 est plutôt rigide, il y a peu de créativité dans les mouvements mais c’est lié aux joueurs, c’est ce que nous disent les tacticiens qu’on a interrogés : “On aimerait tous bien jouer comme le Barça”, et d’ailleurs ils seraient compétents pour les faire jouer comme ça, ils ne sont pas bêtes les entraîneurs, ils ont des connaissances tactiques, ils y pensent tous les jours, ils essayent des trucs, mais ils nous ramènent tous au niveau des joueurs. Le niveau technique en Ligue 1 ne permet pas d’avoir la même philosophie de jeu que le Barça, même si l’exemple de Nice montre qu’avec le recrutement et la formation, notamment, il est possible de réaliser des choses. Mais la Ligue 1 est plus pragmatique que romantique. 
Pour écrire ce livre, vous avez rencontré de très nombreux tacticiens, lequel vous a le plus impressionnés ?
Oui, on a rencontré Stéphane Moulin, Élie Baup, Johan Micoud, Guy Lacombe, Guy Roux ou encore Raynald Denoueix. Je pense que c’est Denoueix qui nous a le plus marqués avec Raphaël Cosmidis, c’est celui qui a la philosophie de jeu la plus tranchée. C’était génial, c’était un entretien très riche, on a passé près de 3 heures avec lui, il est vraiment très gentil, passionné par le jeu encore des années après. Attention, il est passionné par certains types de jeu bien particuliers, quand on lui parlait de l’Atlético de Simeone il nous disait que pour lui c’était un crime, c’était des tricheurs ! Il était passionnant car pour lui il n’y a presque qu’une façon de produire du beau jeu, c’est le jeu à la nantaise ou celui du Barça d’aujourd’hui. Stéphane Moulin était aussi très intéressant, il nous a ouvert les yeux sur plein de petits détails dont, de l’extérieur, on n’a pas forcément conscience, sur la gestion du groupe, les exercices à mettre en place, sur la réalité de son métier en fait.

“Avec Bielsa, Marseille a vibré pendant un an”

“Rien ne vaut d’être au stade pour analyser un match”

Comment vous, les Dé-Managers, consommez du foot à la télé ? Vous en regardez souvent, vous prenez des notes ?
Tout dépend de nos emplois du temps. Moi je trouve que je n’en regarde pas autant que je le voudrais car je travaille beaucoup. J’ai du mal à regarder un match sans prendre des notes sur l’aspect tactique car je me dis que ça peut toujours me servir. Au départ, je note la disposition des joueurs dans le système et je trace des flèches pour marquer leurs déplacements récurrents, histoire d’avoir la base. Je note au moins le plan de jeu que j’arrive à déterminer, savoir si ça passe sur le côté, si ça joue long, en contre-attaque, etc., histoire de comprendre ce qu’a voulu faire l’entraîneur. Il y a des mécanismes plus détaillés parfois mais pour cela on est très dépendant de la réalisation télé.
Du stade, on voit mieux les déplacements. Rien ne vaut d’être au stade pour analyser un match, on a le plan large en continu. La Liga c’est notre championnat préféré, celui qu’on préfère regarder car c’est tactiquement intelligent et techniquement fort. Mais la Premier League a progressé car des techniciens étrangers ont apporté de nouvelles choses, comme Klopp dernièrement.
Alors faisons simple tout en ne dévoilant pas tout, quelles sont les 3 choses à regarder en priorité devant un match de foot ?
La première chose, c’est de déceler les organisations des schémas, ça se voit mieux quand une équipe est en phase défensive, il faut déterminer les 3 lignes, défense, milieu, attaque, et se méfier de ce qui est dit en avant-match.
La 2ème chose, et depuis ce livre j’y accorde plus d’importance, c’est de regarder le comportement de l’équipe pendant les phases-clés, il y a quatre temps : tu as le ballon, tu le perds, tu n’as pas le ballon, et tu le récupères. Il faut discerner quels sont les choix, les partis pris de l’entraîneur, par exemple le Barça de Guardiola gardait le ballon, faisait des passes courtes, assurait avant de prendre des risques. Il y a aussi des équipes, comme le Dortmund de Klopp, quand elles perdent le ballon, elles vont faire un pressing vers l’avant, alors que d’autres vont se regrouper en bloc. Certains pensent que ce sont des poncifs mais pour un novice ce sont des choses pas toujours si évidentes.
La troisième chose à regarder, ce sont les coups de pied arrêtés, comment l’équipe défend dans ces moments-là. Le débat n’est toujours pas réglé entre le marquage en zone et le marquage individuel mais il faut justement regarder comment les choses sont travaillées, les combinaisons, ce que l’entraîneur met en place défensivement. Le Barça de Guardiola avait des petits joueurs, mais ils se débrouillaient en ciblant des zones particulières…

“Tous les entraîneurs qu’on a rencontrés nous ont dit qu’ils dépendent de leurs joueurs”

Finalement, est-ce qu’un entraîneur est plus important que tous ses joueurs, puisque c’est lui qui met en place la tactique de son groupe ?
En fait, c’est plutôt l’inverse. Tous les entraîneurs qu’on a rencontrés nous ont dit qu’ils dépendent de leurs joueurs. Leur rôle, c’est de les mettre dans les meilleures conditions possible, et oui c’est un rôle très important, mais tous nous disent qu’une fois le match commencé, ils n’ont plus tant d’influence que ça, ils ne peuvent plus agir. Ils doivent leur donner les clés pour savoir prendre les bonnes décisions au moment du match, selon les situations, est-ce qu’on presse, est-ce qu’on se replie, etc. Si l’entraîneur voit que son joueur est trop en retard dans le pressing, quand tu lui dis, c’est déjà trop tard. C’est peut-être un discours humble des entraîneurs, mais en fait ils sont des facilitateurs pour les joueurs.
Malgré tout, à l’échelle collective, on sent la patte du coach. Là, le Real de Benitez et le Real de Zidane, ça ne joue pas du tout pareil, c’est la même chose à Marseille entre Bielsa et Michel. Ils ont une grosse influence sur le style de jeu, mais il y a aussi une grosse part de responsabilité des joueurs qu’il est impossible de nier. Les entraîneurs en tout cas ne se mettront jamais au-dessus de leurs joueurs.
“Comment regarder un match de foot ?” sort ce jeudi 11 février aux éditions Solar. Il sera disponible en ligne ici et dans les bonnes librairies. Il fait presque 500 pages et coûte 17,90€.