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Entretien avec Sandrine Dusang, la footballeuse française qui a joué un match sur le Kilimanjaro

Entretien avec Sandrine Dusang, la footballeuse française qui a joué un match sur le Kilimanjaro

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Par Julien Choquet

Publié le

Accompagnée d’une trentaine d’autres footballeuses, Sandrine Dusang a réalisé une performance exceptionnelle : jouer un match sur le Kilimanjaro, à 5 729 mètres d’altitude
Du haut de ses 33 ans, Sandrine Dusang n’est pas une inconnue dans le monde du foot. Formée à Clairefontaine, elle a passé 9 ans à l’Olympique Lyonnais par la suite, remportant 5 titres de championne de France, et une C1. Rien que ça. Jeune retraitée depuis le mois de mai, elle a décidé de répondre à l’appel de Equal Playing Field l’été dernier, afin de relever un défi hors-normes : battre le record du monde du match joué à la plus haute altitude, sur le sommet du Kilimanjaro. Entretien. 


Football Stories | Comment as-tu atterri parmi la trentaine de footballeuses choisies pour faire partie de ce projet incroyable ? 
Sandrine Dusang | J’ai été contactée par une des organisatrices, tout simplement. Elle souhaitait qu’il y ait des joueuses d’un peu partout dans le monde, et il n’y avait aucune Française. Je n’ai pas hésité longtemps lorsqu’elle m’a présenté le projet. C’est quelque chose que l’on ne peut faire qu’une seule fois dans sa vie. L’ascension du Kilimanjaro c’est une chose, jouer un match pour rentrer dans le Livre des records en est une autre, mais c’est surtout le côté humain qui m’attirait. Que ce soit pour lutter contre les inégalités dans le foot, mais aussi pour rencontrer des footballeuses de chaque horizon. 
Justement, plus de 20 nationalités étaient présentes dans ce projet. Au fil des discussions, est-ce qu’on se rend compte des différentes visions du foot féminin partout dans le monde ? 
Bien sûr. Il y avait une joueuse américaine avec nous, Lori Lindsey. Quand elle nous parle du foot féminin aux USA, on sent vraiment que l’engouement là-bas est très particulier. Je ne sais pas si on peut dire qu’elles sont en avance, car c’est surtout culturel : les gamines jouent au foot dès le plus jeune âge à l’école. Chez nous, ce n’est pas encore à ce stade, même si on progresse. Après, à l’inverse, il y avait des joueuses jordaniennes et d’Arabie Saoudite. Et là-bas, le football féminin n’est vraiment pas perçu de manière positive. C’est beaucoup plus compliqué pour elles. 

The match commences.... #equalplayingfield #mymountain #guinnessworldrecord #equality #thisgirlcan #football #tanzania #kilimanjaro #equality

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Pour réaliser une telle expérience, je suppose qu’il y a une vraie préparation à effectuer… 
C’est particulier. Étant donné que j’étais encore en activité lorsque j’ai accepté de participer à l’aventure, je savais que j’avais déjà une base foncière. La seule chose que j’ai vraiment faite, c’est marcher avec des chaussures de marche (rires). Et puis après, tu passes des tests en hypoxie (simulation de l’altitude) pour voir comment ton corps réagit, et avoir l’accord du médecin. 
Raconte-nous comment tu as vécu cette fameuse ascension du Kilimanjaro. 
Notre programme était vraiment bien géré. On a fait les choses étape par étape, pour qu’on ne soit pas trop malades par rapport à l’altitude, et que les ressentis soient bons. On a mis 7 jours à gravir le Kilimanjaro, en montant environ 600 mètres de dénivelé par jour, pour éviter tout ce qui est maux de tête et vomissements. Je marchais vraiment doucement, parce qu’il y a vraiment des moments où niveau respiratoire je sentais que c’était compliqué. Mais il faut parfois faire abstraction et profiter de l’ascension, parce qu’il y a des paysages magnifiques.
Personnellement, ça s’est bien passé. J’ai pu monter sans problème, même si plus tu montes, plus tu te rends compte que l’oxygène manque. Malheureusement, il y a deux filles qui n’ont pas pu finir l’ascension : une Népalaise (hypothermie), aussi surprenant que ce soit, et une fille d’Arabie Saoudite (malaise dû à l’altitude.) C’est vrai que ça devait être frustrant pour elles. Tu fais un bon bout du chemin, et tu dois jeter l’éponge le dernier jour, lors de l’ascension finale… 

Cette dernière journée d’ascension, elle était si compliquée que ça ?
En fait, on a fait l’ascension de nuit. Ils nous ont réveillés à 1h du matin, et on a commencé à monter à 2h. La température ressentie c’était quelque chose… -15° ! Tu marches pendant 5h en pleine nuit, avec une petite lampe frontale, c’est un peu décourageant. On a toutes prié pour que le soleil se lève. Non pas parce qu’on attendait de pouvoir profiter du panorama, mais pour avoir quelques rayons de soleil pour nous réchauffer. 
Et après ces 5 heures d’ascension, la délivrance en arrivant au sommet, ce qui signifie que vous allez enfin jouer ce fameux match à 5 729 mètres d’altitude… 
La sensation en arrivant en haut… c’était génial. On a eu une petite pause en arrivant au sommet, parce que les organisateurs devaient tracer le terrain, mettre les buts et les poteaux de corner en place. On a joué sur un cratère immense, le terrain paraissait tout petit dessus, c’était surréaliste.
Mais ce n’était pas évident de jouer là-dessus. À la base, quand on m’a parlé d’un cratère, je pensais que le terrain serait très dur. Mais en fait c’était du sable, ça ressemblait plus à un Beach Soccer géant qu’à un terrain de foot (rires). Mais on est passées au-dessus, car dans les têtes de chacune, l’objectif était de jouer les 90 minutes pour valider ce record du monde. Et c’était formidable. C’est quelque chose que l’on ne vivra qu’une seule fois dans notre vie. 

Sandrine Dusang (France) Glacier FC... here is what our French legend Duss had to say about the trip... "Football has been my passion since I was a kid and it has allowed me to live and share some intense moments. The adventure in Tanzania last June, was for sure one of the most enriching moments of my life. Reaching the top of the Mount Kilimanjaro, and playing a football game at that altitude with women from all over the world was something incredible and unique. I hope that Equal Playing Field will keep on showing how many women are strong and that the EPF family will continue to grow..." #equalplayingfield #mymountain #guinnessworldrecord #equality #thisgirlcan #ladiesfootball #kilimanjaro

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Et ce n’est pas trop frustrant de réaliser ce record lors d’un match qui se termine sur le score de 0-0 ?
Franchement, ça m’a plu que ça se termine en match nul. Comme ça, tout le monde est content. Mais j’aurais bien voulu qu’il y ait des buts quand même, ça aurait été plus sympa un petit 1-1 ou 2-2. En plus, je n’étais pas loin de marquer, je suis dégoûtée (rires). C’est la seule frappe qui a décollé un peu, elle a frôlé la lucarne. Pour le reste, ça fusait plutôt au sol. Techniquement, c’était dur de lever le ballon, sauf sur les corners ou les coups francs, où on pouvait poser le ballon sur une petite motte de sable. Mais bon, globalement ce match c’était pas le Brésil (rires)
En dehors du sportif, ce match a surtout permis de mettre en avant une vraie solidarité entre vous, derrière un seul objectif : combattre les inégalités dans le foot.  
Oui. Le record c’est cool, mais clairement l’objectif ce n’était pas ça. Il s’est passé un vrai truc, sur le plan humain. On se connaissait depuis seulement une semaine, et on a fini par se tomber dans les bras après avoir vécu cette expérience. Même des filles avec qui je n’ai presque pas parlé, on avait ce lien qui ne s’explique pas. L’exemple le plus parfait : avec la Népalaise, qui ne parlait pas un mot d’anglais. Pourtant si tu demandes à toutes les filles qui étaient là-bas ce qu’elles ont pensé d’elle, elles vont te dire que c’était une fille géniale. 
Et si nous avons réalisé cette aventure, ce n’est pas pour qu’on parle de nous, mais pour qu’on parle du foot féminin. Derrière cette expérience, il y a un vrai projet : l’ouverture de centres d’entraînement, qui sont montés dans des pays défavorisés, où le foot féminin est moins réputé. Le but, c’est d’aider les jeunes filles qui veulent jouer au foot là-bas. 

Pour finir, Equal Playing Field a annoncé dans une interview que d’autres aventures pourraient être mises en place, notamment sur un volcan en activité, ou encore près de la mer Morte. Tu serais partante pour retenter l’expérience ?
Ce sont des filles qui ont plein d’idées, et qui ont vraiment envie de montrer que le foot féminin a sa place aujourd’hui. Que les sportives, mais plus largement les femmes, peuvent faire aussi bien, voire mieux que les hommes parfois. C’est le genre de chose que j’aimerais bien refaire avec elles, et on s’est quittées en se disant qu’on se donnait rendez-vous pour une prochaine expérience. Avec grand plaisir. 

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