“Il manque une C1 à Paris pour peut-être passer devant l’OM” : entretien avec Alain Roche, éternel amoureux du PSG

“Il manque une C1 à Paris pour peut-être passer devant l’OM” : entretien avec Alain Roche, éternel amoureux du PSG

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le dÈfenseur parisien Alain Roche (G) tente un retournÈ devant le Lyonnais Christian Bassilia, le 28 mars au Parc des princes ‡ Paris, lors de la rencontre Paris Saint-Germain/Olympique de Lyon comptant pour la 30e journÈe du Championnat de France de football de D1. / AFP PHOTO / JACQUES DEMARTHON

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Par Mathis Pivette

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Alain Roche dispose d’une histoire privilégiée avec le Paris Saint-Germain. Ancien défenseur du club de la capitale pendant six saisons (1992-1998) puis responsable du recrutement (2003-2012), celui-ci a pris la décision de mettre par écrit ses innombrables souvenirs afin de partager l’amour passionné qu’il voue à cette véritable institution du football français.

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Mon dictionnaire passionné… du PSG a pour vocation d’être un ouvrage subjectif, dans lequel Alain Roche porte un regard personnel et intime sur l’ensemble des éléments qui l’ont marqué en tant que joueur puis dirigeant. Le club, des compétitions, des partenaires ou même des adversaires : Alain Roche n’épargne rien et évoque chaque sujet avec un franc-parler qui lui est propre. Une mine d’informations, d’anecdotes, de révélations qui permettent de voir l’envers du décor du club.

Football Stories | À quel moment avez-vous ressenti l’envie voire le besoin d’écrire ce livre ?

Alain Roche | Je n’ai pas senti grand-chose au départ puisque c’est Denis Chaumier, le directeur de collection chez Hugo Sport, qui est venu frapper à ma porte pour me proposer ce projet. J’ai eu un peu peur qu’il me demande de faire une biographie, ce que j’aurais d’ailleurs refusé. Mais le principe d’un dictionnaire passionné en égrenant les lettres de l’alphabet me convenait. Il a tout de même fallu me convaincre au départ. On parle ici de mon histoire de joueur puis de dirigeant, ce qui est conséquent. Vous savez, quinze ans d’une vie passée dans le même club, c’est quelque chose d’énorme. Quand vous arrivez vers 49 ans, c’est bien aussi de faire un petit bilan. J’ai alors bien réfléchi à sa proposition. J’ai pris un peu de temps pour prendre ma décision, mais finalement je ne le regrette pas.

Faire un ouvrage personnel implique de donner son point de vue personnel sur certains événements mais aussi sur certaines personnalités. Ne craignez-vous pas certains retours négatifs ? 

Non pas du tout. D’abord parce qu’il n’y a pas d’insultes. Je traite les choses de manière très factuelle. On est sur des faits que j’ai vécus moi en tant que joueur pendant ces années-là. C’est vrai que parfois j’égratigne certaines personnes mais c’est uniquement dans un cadre qui est celui du PSG. Je ne suis pas en train de parler dans un cadre privé. Ce n’est jamais simple de ressortir des choses du passé car je suis plutôt quelqu’un d’optimiste, qui va vers l’avant. Je n’ai pas eu d’appréhension. Ce n’est pas dans mon comportement naturel d’insulter les gens, de les critiquer ouvertement.

Il y en a en revanche qui m’ont critiqué. J’en parle dans ce bouquin-là mais en restant toutefois très respectueux. Après je n’ai pas non plus trahi des secrets de vestiaires, sinon on aurait plutôt écrit deux voire trois bouquins. Si ça ne plaît pas à certaines personnes, ce n’est pas grave. Ce n’est pas maintenant que je vais me poser la question. On fait toujours très attention à ce que l’on dit, c’est la moindre des choses. Il n’y a pas d’agressivité dans ce que je dis. Ce sont des faits, des situations, des relations.

Sur quels critères spécifiques doit-on s’appuyer pour évaluer le prestige d’un club ? Le nom des stars qui y ont évolué ? Sa longévité ? Le nombre total de titres glanés ?

Pour moi, ce sont les titres. C’est ce qui reste. C’est comme pour un joueur. On retient le palmarès. On ne s’intéresse pas de savoir combien il a sur son compte en banque, s’il est allé en demi-finale de coupe d’Europe cinq ans d’affilée. Ce que l’on retient, ce sont les titres. Après pour avoir des titres c’est certain qu’il faut avoir de grands joueurs, la plupart du temps, ou de très bons joueurs. L’un ne va pas sans l’autre et le PSG a réussi à attirer d’excellents joueurs il y a quelques années, en attire actuellement et va en attirer d’autres sûrement à l’avenir.

“Paris est la plus belle vie du monde”

Il y a le club, il y a également une ville, un élément qu’il ne faut pas oublier. C’est pour ça d’ailleurs que je parle beaucoup de Paris dans ce livre car pour moi qui suis de la province, c’est la ville des Lumières. Quand vous venez dans un club, c’est vous qui prenez la décision mais l’avis de vos conjoints compte aussi énormément. C’est plus facile d’aller jouer à Paris que dans une autre ville où il y a moins de vie. Paris est la plus belle vie du monde. Les étrangers tombent sous le charme, veulent rester. Moi-même, je suis toujours là.

Pour vous, grande ville et grand club sont deux choses indissociables ? 

(Il réfléchit) Ce n’est pas le cas partout bien sûr. Regardez Liverpool, ce n’est pas une grande ville et pourtant c’est un club immense. Mais c’est vrai que lorsque vous êtes à Madrid ou Barcelone, vous sentez que ces villes respirent le football. Ce qu’il manque à Paris c’est un très très grand club qui rayonne sur la scène européenne. On a pu le faire quand on a été joueurs parce que l’on a quand même fait cinq demi-finales de coupe d’Europe d’affilée et deux finales.

Actuellement, le club est prestigieux et connu, mais il lui manque ce palier à passer pour faire partie des quatre ou cinq grands noms européens. Mais ce club devait avoir une grande équipe. J’ai vécu de 2003 à 2011 dans un club qui avait déjà du mal à tenir son rang en France, alors imaginez en Europe… Le PSG était redevenu à cette époque un club quelconque aux yeux des Européens.

Comment avez-vous personnellement vécu cette période ?

C’est certain que je n’ai pas pris beaucoup de plaisir. Vous essayez de tout faire pour que tout se passe bien et finalement ce n’est pas le cas. Il y a aussi beaucoup d’éléments extérieurs qui se greffent à ce contexte sportif compliqué et qui vous polluent la vie. Je parle des supporters virulents, de l’instabilité au niveau des actionnaires, des présidents, des entraîneurs… Vous vous attendez à un autre résultat oui. Après, avait-on réellement les moyens de rivaliser avec les meilleurs clubs du championnat de France ? Je n’en suis pas persuadé. D’autant plus qu’au PSG la pression est plus importante que dans certains clubs. Pour supporter la pression, il faut aussi avoir des joueurs irréprochables sur et en dehors du terrain, ce qui n’était pas nécessairement le cas.

“Il manque une C1 à Paris pour peut-être passer devant Marseille d’un point de vue sportif”

Pour vous, en terme de prestige, à quel niveau se situe le PSG par rapport aux autres grands clubs du football français ?

Pour moi il est du niveau de Marseille. Concernant les titres, vous avez par exemple Lyon qui a remporté plus de fois le championnat de France, mais je pense que le PSG va bientôt l’égaler puis le dépasser. En terme de titres européens le PSG est déjà devant. Après, l’Olympique de Marseille a gagné la plus belle des coupes d’Europe, c’est un fait. Il manque cela à Paris pour peut-être passer devant Marseille d’un point de vue sportif et en terme de palmarès européen. En revanche, en ce qui concerne le nombre de personnes intéressées à l’actualité du club, je pense que le PSG est à la hauteur de Marseille en France, et nettement supérieur sur la scène européenne. Cet élément est assurément dû à l’arrivée de joueurs comme Zlatan Ibrahimović, David Beckham ou Thiago Silva.

En tant qu’ancien joueur et surtout fervent supporter du PSG, quel sentiment vous a traversé lorsque vous avez entendu les déclarations polémiques de Zlatan Ibrahimović disant que le club de la capitale a commencé à exister une fois les Qataris arrivés à la tête du club ?

Je ne vais pas employer le mot vexé parce qu’il faut passer au-dessus de ce genre de déclaration. Je suis plutôt déçu qu’il n’ait pas respecté ce club et surtout son histoire. Pourquoi il ne le respecte pas ? Car je pense que les dirigeants du PSG n’élèvent pas le club au rang d’institution, à la différence de clubs comme le FC Barcelone, le Real Madrid ou l’AC Milan. Ibrahimović ne s’est jamais permis de faire de telles déclarations lorsqu’il était joueur à Barcelone ou à Milan. S’il le fait au PSG, c’est parce que l’équipe dirigeante fait preuve de laxisme. Ici il y a pourtant un vrai palmarès, une belle ville, un grand club, plusieurs titres glanés par le passé. Si le joueur n’est pas informé de tout cela et que le discours du président n’est pas suffisamment respectueux de l’histoire du club, il ne peut pas penser le contraire de ce que pensent ses dirigeants. Tout cela a rapidement été confirmé puisque personne n’a officiellement répondu à ces déclarations. Le club n’est tout simplement pas assez défendu.

“Zlatan fait partie des deux ou trois plus grands joueurs qui ont évolué au PSG”

Dans votre livre, vous restez toutefois plutôt assez élogieux et reconnaissant à l’égard du géant suédois, pour tout ce qu’il a pu apporter un club. Vous dites notamment : “Ma première réflexion le concernant, c’est qu’il va nous manquer dans cette Ligue 1.” Vous allez même jusqu’à dire qu’il est “incontestablement le plus grand joueur du PSG”

Marquer autant de buts sur une période de cinq ans c’est exceptionnel. L’image du club qu’il a pu donner par moments sur le terrain, c’est également exceptionnel. Si de nombreux grands joueurs sont venus jouer pour le PSG, c’est un peu grâce à sa présence. Ces derniers avaient envie d’évoluer à ses côtés. Quand je vois la progression de certains joueurs, je crois que c’est également en grande partie grâce à lui. Il oblige les autres joueurs à être très bons techniquement à l’entraînement. Il gueule, c’est certain, mais il a imposé un degré d’exigence que personne n’avait imposé jusqu’ici.

C’est un grand professionnel, on ne fait pas une carrière comme la sienne si l’on n’en est pas un. Il a glané tous les titres dans tous les championnats nationaux où il a joué. En terme de performance sportive, il fait partie des deux ou trois plus grands joueurs qui ont évolué au PSG. Certains de ses buts, je n’en avais jamais vu des comme ça depuis que j’ai commencé à jouer au football.

“George Weah, c’était un attaquant moderne, il était rapide, bon de la tête, bon techniquement, il était fort”

Tout au long de votre carrière de joueur, puis de dirigeant, vous avez côtoyé une quantité innombrable de joueurs. J’aimerais savoir quel joueur vous a le plus impressionné, autant sur le plan sportif que sur le plan personnel ?

J’ai été impressionné par beaucoup de joueurs dont Raï, bien sûr. Mais s’il y en a un qui m’impressionnait énormément, notamment par sa palette de jeu, c’est George Weah. C’était un attaquant moderne, il était rapide, bon de la tête, bon techniquement, il était fort. C’est également quelqu’un qui a du charisme, une personnalité forte. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs qu’il se présente à la présidence du Libéria pour la troisième fois. Après je n’invente rien, c’est quand même le seul joueur africain de l’Histoire à avoir remporté le Ballon d’Or. Il part de chez nous pour l’AC Milan et gagne peu de temps après le plus beau des titres individuels. Pour moi c’est une référence en tant que joueur et personne. Difficile de dissocier l’un de l’autre.

Avec quel joueur aviez-vous le plus d’affinités ?

Laurent Fournier. Nos épouses s’entendent bien. Nos enfants respectifs sont toujours très amis. On habitait et habitons toujours l’un à côté de l’autre d’ailleurs (rires). Et il y avait également Antoine Kombouaré. Nos enfants n’ont pas le même âge mais avec Antoine on se voyait pratiquement tous les jours pour jouer au golf. Aujourd’hui encore nous sommes restés très proches, on s’appelle pratiquement tous les jours.

Quel joueur était le plus technique ?

Valdo était un excellent technicien. Après ça veut dire quoi être technique ? Si c’est savoir dribbler dans un mouchoir de poche et derrière ne pas faire la passe décisive ou ne pas marquer, je n’appelle pas ça la technique, ou alors la technique pour faire du freestyle. Certains garçons comme Youri Djorkaeff avaient une technique aboutie devant le but, il était très bon dans le jeu, dans ses contrôles, dans ses passes et dans ses dribbles. C’est toutefois assez difficile de sortir le nom d’un joueur plutôt qu’un autre. On peut très bien parler aussi de Raï, George [Weah], David [Ginola] ou encore Pedro Pauleta. Ils avaient tous une impressionnante technique. Après le plus adroit devant le but pour moi c’était Youri Djorkaeff, sans hésitation. C’était un génie.

Des moments sportifs forts et privilégiés, vous en avez connus énormément au Paris Saint-Germain. Mais si vous deviez n’en retenir qu’un, ce serait lequel ?

Quand vous gagnez une finale de Coupe d’Europe, c’est évidemment particulier parce que cela faisait quand même quelques années que l’on atteignait quasiment l’avant-dernière marche. Je dirais donc la victoire face au Rapid Vienne en finale de la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe en 1996. On était le meilleur club européen en terme de régularité en Europe avec cinq demi-finales d’affilée. Réussir à remporter une finale, même si ce n’est que la Coupe des coupes, c’était quelque chose d’énorme. On avait notamment éliminé Barcelone, La Corogne et Arsenal. Ça a donc été le match référence, avec tout ce que cela a engendré : la communion avec les supporters, le retour à Paris, la descente des Champs-Elysées, la rencontre avec le président de la République…

Il y a aussi la victoire 5-0 face au Steaua Bucarest dans le match retour du tour préliminaire de la C1 en 1997, et évidemment la victoire face au Real Madrid au Parc des Princes en quarts de finale de la Coupe de l’UEFA 1993, même si je n’avais pas joué car suspendu… Le scénario, l’ambiance au Parc, un adversaire de prestige : c’était exceptionnel. Vous êtes sur la scène européenne, vous éliminez le Real Madrid et faites la une de tous les journaux le lendemain. C’est quelque chose à part.

Quelle a été votre plus grande déception en tant que joueur ? Y-a-t-il une défaite qui vous aurait marqué en particulier ?

Il y en a beaucoup (rires). Des éliminations en Coupe de France face à de petites équipes, les joueurs avaient du mal à s’en remettre. Cette fois-ci, vous êtes la risée de tout le monde. Vous faites la une des journaux mais pas pour les mêmes raisons (rires). Mais si je devais choisir une défaite qui m’a fait nourrir d’énormes regrets, ce serait celle face au Milan AC en demi-finale aller de la C1 en 1995. Ce match, je pense qu’on aurait dû le gagner car nous les avions vraiment malmenés. Nous ne méritions pas de perdre cette confrontation. On méritait plutôt de faire match nul sinon gagner puisque David Ginola marque un but injustement refusé, et il y a également eu un pénalty évident non sifflé par l’arbitre. Nous avions clairement été désavantagés. Sans cette défaite regrettable à domicile, je crois vraiment que le match retour n’aurait pas eu la même issue. Mais les faits sont là. À San Siro, ils étaient tellement plus forts que nous… Concernant ce match-là, aucune déception à avoir en revanche. C’est la seule et unique fois où j’ai ressenti un sentiment d’impuissance sur le terrain. On se dit que l’on ne peut rien faire pour contrecarrer leur domination.

Mon dictionnaire passionné… du PSG, éditions Hugo Sport, disponible notamment ici au prix de 19,95 euros.