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Tour du monde : de la Bulgarie au Kazakhstan, entretien avec Mathias Coureur

Tour du monde : de la Bulgarie au Kazakhstan, entretien avec Mathias Coureur

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Par Julien Choquet

Publié le

Chaque mois, Football Stories vous fait découvrir l’histoire d’un joueur français qui évolue dans un championnat dont les médias parlent peu, et que les amateurs de foot ne connaissent pas forcément. Pour ce deuxième volet (le premier est ici), direction le Kazakhstan avec l’histoire de Mathias Coureur. 
Si certains joueurs sont partisans d’arpenter les différents niveaux en France afin de rester dans leur zone de confort, ce n’est pas le cas de Mathias Coureur. Aujourd’hui âgé de 29 ans, cet originaire de Martinique a passé la majeure partie de sa carrière en Bulgarie, avant d’atterrir au Kazakhstan. Entretien avec ce joueur qui a tout, sauf sa langue dans sa poche. 

Tu évolues depuis janvier au FK Kaisar Kyzylorda. Comment es-tu arrivé là-bas ? 

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Je sortais de deux ans en Bulgarie, au PFC Cherno More Varna, où ça s’est super bien passé. Ensuite, j’ai voulu relever un challenge sportif avec le Dinamo Tbilissi en Géorgie, parce qu’ils m’avaient parlé d’ambitions européennes. Petit problème : je suis parti au bout de 2 mois car ça ne se passait pas comme je le voulais sportivement, et en plus de ça, on n’était pas payé.
 
Du coup je me suis retrouvé sans club, et le CSKA Sofia m’a appelé. J’étais super content, et les dirigeants me voulaient vraiment. Mais là aussi petit problème : au moment où je devais signer, l’entraîneur en place a démissionné, et le nouveau ne voulait plus de moi. Du coup, j’ai accepté de rejoindre un club bulgare, le Lokomotiv Gorna Oryahovitsa, avec un accord simple : si je recevais une offre en décembre je pouvais partir. Je devais les aider à sortir de la zone de relégation, et j’ai réussi car on s’est maintenu. En décembre, Kaisar s’est positionné, et ça s’est fait comme ça.
 

Comment le foot est vu au Kazakhstan ? 
J’ai la chance d’être dans une ville… enfin, les gens ici disent que c’est une ville, mais on dirait plutôt un village (rires). Ils disent que c’est grand, qu’il y a 500 000 ou 600 000 personnes mais on dirait vraiment un village : il n’y a rien ici, hormis le foot. Donc nous ça va, on est beaucoup suivi, le stade est souvent plein, et j’ai vraiment de la chance d’être dans ce club. Même s’ils adorent les sports de combat, j’ai l’impression que le foot est le sport le plus suivi dans la ville. C’est une fierté pour eux qu’on les représente. 
En dehors de notre club, tu as deux grandes équipes au Kazakhstan où il y a une vraie ferveur : le Kaïrat Almaty et Aktobe. Si tu ne joues pas dans ces clubs, tu joues dans des stades vides. C’est pas la Ligue 1, c’est pas l’Angleterre. 

Du coup, on te reconnaît dans la rue ici, comme le foot est le sujet numéro 1 ? 
Ah oui. Mais pas que grâce au foot, je ne vais pas te mentir. Je vais te raconter une anecdote qui a beaucoup fait rire ma famille. Quand j’ai signé, j’ai tout de suite pris un avion direction la Turquie, pour le stage d’avant-saison. Du coup, je n’étais jamais allé au Kazakhstan avant notre retour de préparation.
Et grande surprise à notre retour : tout le monde a voulu prendre des photos avec moi. Ok, pas de souci. J’avais fait une bonne préparation en marquant 6 buts, les supporters devaient se dire que j’étais un grand joueur. Mais en fait, au fur et à mesure, j’ai compris que c’est parce que je suis noir. Je leur demandais “comment je m’appelle ?” : la plupart des gens était incapable de répondre. 
Dans l’équipe on est 5 noirs, et on vit la même chose. Exemple parfait : ça m’est arrivé de monter dans un taxi, et que le chauffeur me dise “mais je t’ai pris la dernière fois ?” Sauf que non. C’était un coéquipier. 

“En Bulgarie, pour les fans, j’étais un héros” 

Tu vis ça comment ? 
Ça m’a fait rire au début, mais au final c’est un peu lourd. Il y a deux cas de figure. Il y en a qui passent à côté de toi et rigolent, ou te pointent du doigt. Eux, je le prends très mal. 
Après il y a les autres. Ils se bloquent et tu sens dans leur regard que c’est vraiment une “surprise” pour eux, rien de méchant. Dernièrement je suis allé au cinéma, voir Fast and Furious 8. À la fin du film, il y a un plan avec les 4 acteurs noirs alignés. À ce moment précis, ils ont tous sorti leur téléphone pour prendre la photo. C’est bizarre (rires)


Est-ce que ces expériences à l’étranger ont changé ta façon de voir le football ? 
Quand j’ai débuté à Nantes, si tu m’avais parlé de la Bulgarie, je t’aurais ri au nez et je t’aurais dit “mais qu’est que tu me racontes ?” Après Nantes, je suis parti en D3 espagnole, et je voyais beaucoup de coéquipiers qui s’envolaient en Grèce, en Roumanie ou d’autres pays de l’Est, en me disant “mec, c’est de la D1 ! On ne va pas rester bloqué en D3 toute notre vie !”
Quand j’ai eu l’opportunité de jouer en première division en Bulgarie, je me suis dit que c’était un challenge sportif. J’y suis allé pour voir, et puis j’ai kiffé. En Bulgarie, tous les matches sont retransmis à la TV, on parle de toi dans la presse tout le temps, c’est autre chose qu’en France. 
Je n’ai jamais eu de problème de paiement ni de racisme. Mais c’est à double tranchant. Je lis certaines interviews d’autres joueurs pour qui ça a été un calvaire. Moi, au contraire, pour les fans, j’étais un héros. Jusqu’à mon départ où ils m’ont fait une banderole. C’était le rêve. 
Tu sembles vraiment avoir passé deux années qui t’ont marqué en Bulgarie. Est-ce que tu as une anecdote sur ta carrière là-bas ?
J’en ai une qui va te plaire. C’était à l’occasion d’un match contre le Levski Sofia, l’un des plus gros clubs là-bas. On arrive sur le terrain pour le match : il était totalement impraticable. Mais vraiment. L’arbitre lâche le ballon, il ne rebondit pas et reste dans une flaque. Logiquement, la rencontre devait être reportée. 
Mais un mec de notre club va le voir, et lance le ballon de toutes ses forces sur la pelouse pour qu’il puisse rebondir un peu. Il met la pression comme jamais sur l’arbitre, qui décide finalement de faire jouer le match. Et si on a autant voulu jouer c’était pour une seule raison : le Levski Sofia aime bien avoir le ballon et pratiquer un beau football. Du coup, ça nous arrangeait de jouer sur un champ de ruine. 

Le résumé du fameux match en question

Au final, c’était vraiment injouable. Que des longs ballons, mais on finit par gagner 1-0. Et en plus je marque (rires). Mais c’était un match horrible, l’un des pires que j’ai joués de ma vie. 
Tu es également international martiniquais. Est-ce que les supporters ont une réelle attache à la sélection, ou l’Équipe de France passe avant tout ? 
En Martinique, on adore le foot. Tout le monde joue. Dès que tu nais, la première chose qu’on te met dans les pieds, c’est un ballon. Mais ce qui est compliqué avec la sélection, c’est qu’on ne fait pas partie de la FIFA mais de la CONCACAF. Mais on aimerait l’être.
Je ne vais pas te vanter cette sélection, parce que je trouve qu’elle n’est pas bien organisée. Après, les supporters s’identifient en tant que Martiniquais, mais se déplacer au stade, c’est plus compliqué pour eux. Mais j’espère qu’un jour on sera FIFA et que ça attirera plus de monde.

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