On a discuté avec Asif Kapadia, le réalisateur du film brillant sur Diego Maradona

On a discuté avec Asif Kapadia, le réalisateur du film brillant sur Diego Maradona

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Par Julien Choquet

Publié le

"Avant lui, Naples n'avait rien gagné. Depuis son départ, Naples n'a plus rien gagné : il a changé l'histoire de ce club"

Il y a quelques semaines, Asif Kapadia a présenté à Cannes Diego Maradona, le biopic dédié à la légende du football argentin. À travers des images d’archives, le réalisateur britannique est revenu sur les multiples vies de Diego Maradona, de son arrivée à Naples à son contrôle positif à la cocaïne. Nous avons pu discuter avec le réalisateur de ce film saisissant et poignant avant sa sortie en salles le 31 juillet. 

Football Stories ⎜ Pourquoi avez-vous décidé de faire ce film ?
Asif Kapadia ⎜ J’ai déjà fait deux films documentaires autour de personnalités. Le premier sur le pilote brésilien Ayrton Senna, et le deuxième sur Amy Winehouse. Choisir Maradona était une manière de me donner un nouveau challenge, notamment parce que je suis un grand fan de foot. En plus d’être une icône du foot, Diego Maradona a également l’une des plus grandes histoires de ce sport. Ça a été une évidence pour moi que si je faisais un film autour d’un footballeur, c’était autour de lui. 
L’une des choses qui est assez marquante dans le film, c’est qu’il est entièrement réalisé avec des images d’archives. Pourquoi ce choix ?
C’est un peu ma marque de fabrique. Lors de mon premier documentaire autour de la vie d’Ayrton Senna, j’ai utilisé cette technique dans un but bien précis : que les gens aient l’impression d’être devant un vrai film. Je veux qu’ils suivent une histoire avec une intrigue, et non pas un simple documentaire. 
Ça a très bien fonctionné avec Senna, et j’ai réutilisé cette technique pour Amy et Maradona. Dans le cas de l’Argentin, ces images d’archives exclusives permettent de montrer un Maradona jeune, quand il était le meilleur joueur du monde. Et c’est cette image que je veux mettre dans la tête des gens, et non celle de l’homme aux multiples problèmes, même si c’est également abordé dans le film. 
Ce film retrace uniquement une partie de la vie de Maradona, de ses débuts à Naples jusqu’à sa chute. Pourquoi ce choix d’avoir écarté son passage au Barça ?
La plus grande période de sa carrière, c’était à Naples. C’est là-bas qu’il a gagné deux championnats, et c’est également à cette époque qu’il a remporté la Coupe du monde. Quand tu fais un film, tu dois faire des choix. Et j’ai fait celui d’exclure sa période à Barcelone. Maradona a vécu tellement de choses dans sa vie, je voulais me concentrer sur la période où il marchait sur la planète foot. C’est simple : avant lui, Naples n’avait rien gagné. Depuis son départ, Naples n’a plus rien gagné. Il a changé l’histoire de ce club, voire de la ville. C’est sa grande histoire. 
Quelle est la chose la plus marquante que tu as apprise à propos de Maradona durant le tournage du film ? 
Ce n’est pas une chose, c’est plutôt un moment précis : quand il a refusé de reconnaître son premier fils, Diego Junior, en 1989. Avant il rigolait tout le temps, il dansait, il était constamment heureux. Il a eu peur au moment de la naissance de son fils, et il a commencé à mentir. C’est là que ses problèmes ont commencé à arriver, et qu’il a changé d’attitude. 
Vous avez eu un retour de Maradona à propos de votre film ?
Non, pour une raison simple : il ne l’a pas encore vu ! Ça fait environ un an et demi que je lui cours après pour lui montrer. Pendant le mondial en Russie, je devais le croiser mais ça ne s’est pas fait. Quelques semaines après, on avait prévu de se rencontrer en Argentine, mais il a signé dans un club mexicain quelques jours avant. Puis il devait venir à Cannes et a finalement annulé au dernier moment. 
C’est vraiment important pour vous qu’il le voie ? 
Je pense surtout que c’est important pour lui. La plupart des images du film, il ne les a jamais vues, ou alors il ne s’en rappelle pas. Ça va lui faire du bien de se revoir jeune, souriant, au sommet du football mondial. Et ça va lui permettre de faire le point sur sa vie, sur les problèmes qu’il a fuis pendant si longtemps. Ça le mettra en face de ses responsabilités. Ce que je veux, c’est qu’on puisse s’asseoir tous les deux devant le film, et qu’on discute après entre quatre yeux. 
Tu n’as pas peur de sa réaction ? 
Honnêtement ? Si (rires). À Cannes, quand je montais les marches, je me suis dit “quel dommage qu’il ne soit pas là”. Mais une fois qu’on était dans la salle et qu’on arrivait aux moments sombres de sa vie, je me suis dit “heureusement qu’il n’est pas là” (rires). C’est vraiment une bonne chose qu’il ne l’ait pas vu pour la première fois devant 2 000 personnes. Il y a des moments intimes et assez durs à voir, il aurait pu se braquer. C’est pour cela que je veux vraiment être en tête à tête avec lui la première fois qu’il le regarde, pour qu’il puisse me poser toutes les questions qu’il souhaite.
Est-ce qu’il y a des joueurs dont vous aimeriez réaliser un biopic prochainement ?
Le problème avec Maradona, c’est qu’il est difficile de passer derrière lui. Personne n’a son histoire dans le monde du foot. Sinon, dans un autre sport, pourquoi pas oui. Le plus grand sportif de l’histoire, à mes yeux, c’est Mohamed Ali. Son histoire dépasse tout ce qui peut se faire dans le sport. Ça mêle les exploits, la bonne humeur, la dépression, mais il y a tellement de choses qui ont déjà été faites sur lui que je ne suis pas sûr de pouvoir apporter quelque chose de nouveau. 

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