Hamilton vs. Verstappen : vont-ils trop loin ?

Hamilton vs. Verstappen : vont-ils trop loin ?

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Photo by CHRISTOPHE SIMON / AFP

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Par Tidiany M'Bo

Publié le

La rivalité entre les deux pilotes a clairement franchi un cap, contribuant à rendre la saison de F1 ô combien palpitante.

“Nous vivons une saison historique de la Formule 1.” Ce n’est pas nous qui l’affirmons mais Julien Fébreau, l’homme qui accompagne les fans de F1 sur Canal+ depuis plusieurs années maintenant. Déjà boostée par son aspect spectaculaire, son storytelling et sa réalisation soignée, la discipline a vu son intérêt encore bondir cette saison avec l’avènement de la rivalité entre Lewis Hamilton et Max Verstappen. Engagés dans une course au titre indécise qui les a vus repousser plusieurs fois leurs limites en piste, les deux hommes ont ravivé la flamme des grandes rivalités de l’histoire du sport automobile.

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Des approches différentes

Qui dit rivalité dit souvent opposition de styles. C’est donc logiquement qu’entre Verstappen et Hamilton on retrouve beaucoup plus d’écart dans l’approche de leur sport que sur la piste. “Les rivalités historiques se sont inscrites sur la durée”, souligne Julien Fébreau lorsque nous évoquons avec lui les autres sagas du sport automobile et notamment celle entre Alain Prost et Ayrton Senna. Il continue :

“Nous avons là deux caractères différents, deux personnages différents. L’un est iconique, Hamilton, ambassadeur de nobles causes, star hors de la F1, star de la mode, du milieu artistique, avec une vie à côté de la F1. Il mène des combats, il prend position. De l’autre côté, Verstappen est jeune, complètement dédié au pilotage même lorsqu’il ne roule pas, avec un caractère moins sage, moins mature. Des réactions encore un peu épidermiques, d’orgueil, que Hamilton n’a plus.

Ils n’ont pas la même approche de la course, de la même façon que Senna avait une approche quasi mystique alors que Prost avait une approche professorale. Et puis les rivalités passent par des contacts en piste, des accrochages, cela fait partie de l’histoire de la compétition automobile, et nous y sommes, après Silverstone et Monza, pour ce qui concerne Verstappen et Hamilton.”

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Mais à flirter ainsi avec le danger, comme ce fut le cas en Grande-Bretagne puis en Italie, les deux hommes ne vont-ils pas trop loin dans leur passe d’armes ? D’emblée, Julien Fébreau tempère : “Une telle rivalité conduit à ce genre de situations. Ils sont à la limite partout ! Avec leurs moteurs, qu’ils doivent changer plus que de raison. Dans leur pilotage. Et donc, fatalement, dans leur confrontation en piste. C’est logique qu’on les retrouve roue contre roue car ils sont à un niveau quasiment égal.”

C’est désormais sur le terrain psychologique que les deux hommes engagent la bataille. Avec l’enjeu d’un titre de champion du monde, le huitième pour Hamilton ou le premier pour Verstappen, les deux hommes sont guidés par leur fierté et une forme de jusqu’au-boutisme qui contribuent à faire grimper la tension. Julien Fébreau poursuit :

“Cela faisait plusieurs fois que Hamilton cédait à Verstappen la priorité dans des virages, qu’il acceptait de lâcher prise pour éviter le contact. Cette saison, il ne l’a plus accepté. Il y a une rébellion de la part de Hamilton, qui refuse que l’autre lui impose son style de jeu. Et c’est ce qui les a conduits au clash. Ce sont aussi des messages qu’ils se font passer l’un à l’autre, avec une forme d’intimidation. Que ce soit sur la piste ou dans le paddock.”

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Avec autant d’enjeux et un écart aussi ténu, l’arbitrage de ce duel prend une importance capitale. Une responsabilité accentuée par des situations de confrontation directe en piste, dont certaines ont viré au contact, comme ce fut le cas à Silverstone puis à Monza. “Les règlements de la FIA sont extrêmement détaillés et couvrent beaucoup de cas de figure. Ils sont même parfois décriés pour cela”, rappelle Julien Fébreau pour rassurer ceux qui seraient tentés d’évoquer une différence dans le traitement des deux protagonistes.

“La FIA maîtrise son champ d’action, avec des commissaires de haut niveau qui savent se détacher de la pression liée à l’enjeu sportif. Ils doivent juger le dernier GP de la saison de la même manière que le premier. Que l’action ait lieu entre Verstappen et Hamilton, ou entre Mazepin et Giovinazzi, elle est jugée de la même manière. L’enjeu sportif ne rentre pas en ligne de compte : ils jugent des actions, des faits, et doivent ouvrir un règlement épais comme un dictionnaire pour vérifier si des concurrents – qu’on désigne d’ailleurs par des numéros et pas des noms – ont enfreint ou non un règlement, et ensuite activer le panel de pénalités applicables à la situation”, complète-t-il, admettant toutefois la difficulté pour ces commissaires “de rester froid pendant que tout le monde sera dans la chaleur de l’événement”.

L’audace face à l’expérience

Pas d’inquiétude donc, a priori, chez les fans du Néerlandais comme chez ceux du Britannique : c’est sur la piste et non dans les bureaux que devrait se dessiner l’épilogue de cette incroyable saison. Avec pour chacun ses atouts dans la course au titre. “Verstappen a une audace qu’aucun autre pilote n’a, estime Julien Fébreau. Il va oser des choses qu’aucun autre pilote ne va oser, avec les risques que cela comporte, mais la pression du titre ne va pas influer sur lui. Il gère la pression comme personne, beaucoup mieux que n’importe quel pilote sur la grille. Y compris Hamilton. Il se sait très bon, il connaît ses capacités mais il n’avait pas la voiture jusqu’ici. Aujourd’hui, il l’a. Cet appétit peut s’avérer un peu supérieur à celui de Hamilton qui, lui, compte déjà sept titres mondiaux.”

Quant au Britannique, qui joue pour dépasser Michael Schumacher au nombre de couronnes mondiales ? “Du côté de Lewis, il y a l’expérience, le vécu. Une capacité à transcender une voiture et une équipe, pour en tirer plus que ce qu’un autre pilote pourrait en tirer. Il a une intelligence de la course qui fait qu’il est capable de se contenter d’un résultat inférieur là où peut-être que Max prendrait un risque pour gagner absolument. Il sait gérer un championnat sur la longueur”, explique encore le journaliste sportif.

Julien Fébreau continue : “Maintenant, à son désavantage, ça fait très longtemps qu’il ne s’est pas retrouvé dans une position de lutter face à un adversaire. Cette année, il doit se réhabituer à lutter. Jusqu’ici, c’est lui qui imposait son rythme de course, sa stratégie aux concurrents. Aujourd’hui, Red Bull et Verstappen contrarient ses plans car ils ont le rythme pour suivre, voire pour être devant. Cela oblige Mercedes à prendre des risques, ça sort Mercedes de sa zone de confort, et c’est un aspect susceptible de pousser à la faute, qu’il s’agisse d’erreur stratégique, d’arrêt au stand ou de pilotage, même s’il en commet très peu. On voit qu’il est un peu plus touché par cette rivalité car il n’était plus habitué à cela.” 

Difficile, dans ces conditions, de détacher un favori, et il faudra vraisemblablement attendre le 12 décembre et l’ultime manche du championnat à Abu Dhabi pour être fixés.